lundi 18 octobre 2010

Perception de désordre






Je ne pouvais résister à la joie de faire référence dans ce petit billet de revenant à la formule tout en déni de Christine Lagarde parlant ce matin de "perception de rareté" au sujet de la possible pénurie en carburant, conséquence des grèves dans les raffineries nationales. A Bercy, on chante à tue-tête "tout va très bien Madame la marquise" en se triturant le nerf optique, visiblement. Peut-être Christine Largarde espère-t-elle depuis ses bureaux qu'il y a encore quelque chose de performatif dans sa parole. Avec tous leurs instituts qui calculent, décortiquent des statistiques, pondent des rapports aussi épais que l'anorak d'un CRS, avec leurs services de renseignements qui jouent les escort boys dans les manifs, leurs flics en civil qui matraquent et qui "prennent le pouls de la France" (et qui l'asphyxient avec le stéthoscope), elle devrait pourtant savoir Christine qu'on est en matière de pénurie(s) au-delà de l'impression. A moins qu'elle ne distingue véritablement le mécontentement de la patrie qu'au travers d'une longue-vue rafistolée au gros-grain.


Madame devrait prendre le large et faire un tour à la pompe. Notons qu'il y a autant de "perception de rareté" parmi la populasse qui fréquente les stations essence que d' "essoufflement du mouvement" de contestation chez les salauds qui font usage du droit de grève - qu'il s'agisse des croûtes qu'on fera trimer sous respirateur ou de jeunes qui aujourd'hui ont écrit sur le mur d'un lycée parisien barré d'ordures et de barricades de chantier : "bosser jusqu'à 65 ans, plutôt "crever" ". Eux qui ont pris la peine de rajouter au verbe des guillemets... Ils ont mis au-dessus des poubelles qui bloquaient l'entrée la délicatesse qui s'est barrée des ministères.



Cela étant dit, ne soyons pas si injuste envers la ministre. Elle n'a peut-être pas si tort que ça de convoquer la perception comme élément premier d'un certain rapport au monde. A Montreuil, le lycéen qui participait seul au blocage de son école et qui ne s'est pas reçu en pleine poire une balle de flashball pourra désormais avoir du monde une "perception" tout autre. Avec un oeil peut-être, la perception.

vendredi 7 mai 2010

Pierre Lang, ou "le prix Goncourt des assassins"






On apprend aujourd'hui à l'aube qu'un jeune garçon de quinze ans - poly-handicapé et kosovar sans-papiers de son état (il y en a qui cherchent vraiment à se faire remarquer) - a été expulsé de Moselle avec sa famille vers sa riante contrée d'origine. Trente gendarmes ont débarqué lundi dans l'institut d'éducation motrice de Freyming-Merlebach où le gosse était pris en charge, deux médecins ont apposé leur signature à la paperasse destinée à expulser le minot, et hop (la getz) la famille a pu embarquer mardi pour un vol aller simple en classe "accompagnée."

Dans le reportage diffusé ce matin sur France Info (1), le président de l'Association des paralysés de France s'est dit "scandalisé" par la décision. Pierre Lang, député-maire UMP de Freyming-Merlebach et également président de l'association (des paralysés français ?) qui gère l'institut, a trouvé quant à lui tout à fait normal qu'une telle opération ait été réalisée. La voix assurée, il dit au journaliste : "on ne peut pas accueillir en France tous les étrangers handicapés".

Il n'y avait aucune gêne dans ses propos, pas la moindre hésitation. Rien. Il était sûr de lui, tout à fait à l'aise avec la décision. Pierre Lang était content. Content et très heureux certainement de participer activement à la "politique de civilisation" initiée par notre président. Pierre Lang était content.

On ne peut pas accueillir en France tous les Playmobil mosellans. (2)




La propension à la joie et à l'autosatisfaction du monsieur ne date pas d'aujourd'hui. Non content d'avoir applaudi l'expulsion d'un môme de quinze ans vers un pays richement doté en structures d'accueil pour gosses handicapés (3), le joyeux drille mosellan s'est aussi distingué en 2004 pour ses positions d'un humanisme confondant présentées à l'Assemblée nationale. Il y a six ans, Pierre Lang co-signait une proposition de loi qui prévoyait le rétablissement de la peine de mort pour les auteurs d'actes de terrorisme (4).



Pierre Lang se rêvait en Guillotin de la Vème République, il donne maintenant dans la jardinière de concours. Il faut avouer que l'homme tend vraiment le bâton (Substral) pour se faire battre : le bulletin d'informations de Freyming-Merlebach révèle quelques petites histoires fort intéressantes où l'on voit que les notions d'accueil et de priorité sont finalement très relatives.


(... pourvu qu'ils nous ressemblent)






Freyming-Merlebach, ville martyre. Moselle, 2010.

... Mais ville qui sait se montrer "conviviale" :





Ah, le "caractère agréable, accueillant et souriant" des bourgades de France.

Il en aura fallu de la "persévérance". Trop humide le climat.


Un Kosovar handicapé mange la bouillie des Français.
Schnell !
Il faut que Pierre l'avale.









(1) Voir ici : http://www.france-info.com/france-societe-2010-05-07-un-adolescent-poly-handicape-expulse-vers-le-kosovo-438952-9-12.html

(2) Photo de Pierre Lang portant fièrement le casque (mais où donc est passée la pointe ?) issue du Bulletin municipal de mars 2010.

(3) "Hier soir, la préfecture faisait savoir qu’une fois arrivé sur le sol kosovar, le jeune handicapé avait été pris en charge par une équipe médicale." , selon France Info. Nous voilà rassurés, d'autant qu'on peut lire sur le très sérieux site du Ministère des Affaires étrangères, section "Conseils aux voyageurs", dans la fiche consacrée au Kosovo : " L’efficacité des soins hospitaliers est douteuse et les médicaments proposés peuvent être périmés. II est conseillé de voyager avec sa propre trousse à pharmacie de secours. Un rapatriement est préférable à toute complication médicale. Vérifiez avant de partir qu’il est compris dans votre contrat d’assurance." Fiesta à Pristina, donc.

(4) On trouve d'ailleurs parmi les signataires de l'époque Alain Marleix, actuel secrétaire d'État à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales, Eric Raoult, l'auteur entre autres du "devoir de réserve" auquel les lauréats du Goncourt devraient être soumis selon lui, Christian Vanneste, grand ami des homosexuels et Olivier Dassault, fils de. Notons que les auteurs de la proposition de loi ont eu la bonne idée de citer, afin de justifier le rétablissement de la peine de mort, Robert Badinter himself : "Dans l’intérêt supérieur des Etats, la France, en lien étroit avec ses alliés européens, doit amplifier la lutte antiterroriste et afficher une fermeté exemplaire. C’est pourquoi, il importe qu’elle puisse disposer de cette peine d’exception qu’est la peine capitale, pour combattre le terrorisme, « crime majeur contre la démocratie », selon l’expression de Robert Badinter.
En temps de « guerre », car c’est le mot qu’il faut employer pour qualifier les attaques répétées et meurtrières dont les démocraties sont la cible, la défense des Etats et des peuples doit primer sur toute autre considération."


* "Le prix Goncourt des assassins" : Louis-Ferdinand Céline au sujet de la guillotine.

** Les deux premières images sont extraites du Bulletin municipal de Freyming-Merlebach.



vendredi 2 avril 2010

Procès des inculpés de Vincennes : "Dans le monde réellement renversé", le parquet est sur le siège

(1)





Vous pouvez lire l'article du bivalve sur Article XI.

http://article11.info/spip/spip.php?article757







(1) Les nouvelles du monde renversé, par Thibautcho.

mercredi 17 mars 2010

Tribunal des flagrants délires - Verdict Procès CRA Vincennes






Mercredi 17 mars 2010. Tribunal de grande instance de Paris. Le verdict du procès des « inculpés de Vincennes » doit être rendu à 13h30 dans la 16ème chambre du tribunal correctionnel.

12h. Quelques personnes dans le grand hall qui dessert les salles d’audience. 12h30, arrivée dans le hall de l’avocate des plaignants (soit les flics du CRA qui se constitués partie civile dans l’affaire). Vers 12h45, des caméras et leurs porteurs arrivent dans le hall ainsi que les gendarmes. Il y a environ une quarantaine de personnes venues assister au jugement, dispersées entre la 16ème chambre et la 31ème. Un papier scotché à l’entrée des deux chambres indique que les audiences du matin qui doivent se dérouler dans la 16ème chambre se tiendront dans la 31ème. Quelques personnes demandent à des gendarmes en plan devant la 31ème où se passera le jugement des « inculpés de Vincennes ». Réponse d’un gendarme de l’autre côté du portique de la 31ème chambre : « Je ne sais pas, je n’ai pas eu d’ordre. » Contre les grilles qui délimitent une sorte de sas entre le portique et les portes de la 31ème chambre, quelques flics en civils patientent.

13h. Visiblement, les caméras présentes dans le hall sont là pour une autre affaire – dite de « la clinique du sport » où il est question d’infections nosocomiales et de médecins qui auraient oublié Hippocrate.

Aucun des gendarmes présents devant les salles d’audience n’étant capable d’indiquer le numéro de la chambre dans laquelle le jugement sera rendu, c’est un rapide coup d’œil aux déplacements de l’avocate des plaignants qui permet finalement de trouver la réponse. Quelques personnes se placent donc devant la 16ème chambre dans laquelle l’avocate est entrée sans difficulté.

13h15. Entre 50 et 60 personnes attendent devant la 16ème chambre. Deux ou trois gendarmes en poste devant les portes demandent au public de reculer et de se placer derrière les grilles qui encadrent l’entrée de la salle. Refus du public. Quelques personnes tentent de parlementer avec les gendarmes en leur disant simplement qu’ils ne sont pas violents, que leur présence ne gêne en rien. Un des gendarmes, après avoir marmonné un « bon, si vous voulez pas écouter… », annonce qu’il va « fermer les portes à clé ». Arrivent alors des gendarmes supplémentaires pour déplacer les barrières. « Il faut libérer l’espace », un gendarme dixit : les barrières sont resserrées autour du public. (1)

Arrivée de l’avocate du Trésor public (qui, pour rappel, s’est constitué partie civile la veille du début du procès) qui entre dans la salle d’audience. Les avocats de la défense sont devant les portes, avec le public.

13h30. Quelques avocats de la défense se font des blagues. De l’autre côté de la barrière, un de leurs « camarades » -un avocat de la défense dixit- se fait apostropher par une personne dans le public. Visiblement, il aurait expliqué à un journaliste de LCI qu’il ne suivait pas l’affaire et qu’il s’agissait dans le cas de l’un des prévenus d’un « pauvre type » qui aurait incendié le CRA. Une personne dans le public s’adresse donc à l’avocat en lui faisant remarquer que le choix de ces mots n’est peut-être pas des plus appropriés. S’ensuit un échange, disons, assez vif. La personne du public lui parle du choix de mots utilisés pour qualifier tel ou tel, de « justice de classe », ce qui fait dire à l’avocat : « ah, encore des marxistes ». Passablement énervé, l’avocat s’adresse à la personne dans le public : « Et puis appelez-moi Maître ! ». (2)

Fin de l’échange. Dix journalistes environ se pressent de l’autre côté de la barrière.

13h50. Ouverture des portes. Entrée des avocats de la défense, de quelques journalistes, puis de personnes du public. La salle compte 25 places assises pour le public.(4) 8 journalistes prennent place dans le box de la presse. Le box est plein. Un journaliste s’assied dans le public sur les conseils des gendarmes présents dans la salle. (3) Une des plaignantes fait de même.

14h10. Les avocats de la défense et des parties civiles sont là. Des avocats qui n’avaient jusqu’alors pas assisté aux audiences sont présents également. De qui s’agit-il ? Aucune idée.

La traditionnelle sonnerie qui signifie le début des audiences retentit. Arrivée du tribunal.

Alors que la présidente entame la lecture du délibéré d’une voix extrêmement basse, une dame -d’un âge honorable- dans le public dit : « Je n’entends rien » et demande à la présidente de parler plus fort. La présidente lui réplique : « Madame, vous sortez ». Des gendarmes entourent alors la dame qui explique que « c’est au nom du peuple français que la justice est rendue ». A peine sa phrase terminée, elle se fait sortir par au moins trois gendarmes. (5)

L’huissier mentionne qu’une photo a été prise lors de la sortie de la dame. La présidente suspend la séance.

Pendant ce temps, le procureur se marre avec les avocates des parties civiles.

Reprise.

On entend des cris à l’extérieur de la salle. Les personnes venues assister au verdict qui n’ont pas pu entrer scandent « liberté pour tous les sans-papiers ».

De façon toujours aussi inaudible, la présidente pose des questions aux avocats de la défense au sujet de la photo qui aurait été prise dans la salle. Dans le public, on croit comprendre ceci : la photo aurait été prise par la stagiaire (?) de l’une des avocates de la défense. L’avocate mentionne son cabinet et tend le portable -à l’aide duquel la photo aurait été prise- à la présidente. L’avocate demande alors la présence d’ « un membre du Conseil de l’ordre à l’audience ».

La présidente suspend la séance.

Il est environ 14h30.

A l’extérieur de la salle, on entend « fermeture des centres de rétention », « liberté pour tous les sans-papiers ».

Ledit membre du Conseil de l’ordre fait son entrée et passe la porte -au fond à gauche de la salle- d’où entrent et sortent les magistrats. Il en ressort cinq minutes plus tard et tient conciliabule avec les avocats de la défense. Se joignent à ce petit groupe les avocates des parties civiles. Depuis les bancs du public, on peut entendre ceci : « le téléphone est parti au parquet ».

Reprise. 14h45.

La présidente annonce que « le tribunal rejette les conclusions déposées par les conseils ».
Sur les dix prévenus, tous reconnus coupables :

Un est condamné à « 36 mois » de prison. (6)

Quatre sont condamnés à 30 mois -2 ans et demi- . Pour deux d’entre eux, il s’agit d’une peine comprenant 6 mois de sursis.

Un est condamné à 24 mois – deux ans. Et mandat d’arrêt. (7)

Deux sont condamnés à un an de prison.

Deux sont condamnés à 8 mois de prison. Avec un mandat d’arrêt (7) pour l’un des deux prévenus.





La présidente poursuit sur la question de l’action civile, jugée « recevable », concernant les six plaignants :

Le premier : certains des prévenus sont condamnés à verser au plaignant :
500 euros au titre du pretium doloris (8).
200 euros au titre du préjudice moral.
Et chaque prévenu doit payer 50 euros au titre de l’article ( ?) du Code de procédure pénale. (9)

Le second (10) : 500 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.

Le troisième : 1000 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral.. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.

La quatrième : 2000 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral.. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.

Le cinquième : 500 euros au titre du pretium doloris. 500 euros au titre du préjudice moral. 50 euros au titre de l’article inconnu du CPP.

Le sixième : le tribunal ordonne une expertise médicale. Le rapport devra être rendu au greffe avant le 17 septembre 2010. 680 euros devront être versés par le plaignant qui reçoit 500 euros au titre de l’indemnité provisionnelle (non définitive donc).
Dans le cas de ce plaignant, le jugement sera rendu le 18 octobre 2010 à 9 heures à la 19ème chambre du tribunal correctionnel de Paris.




La présidente déclare que le tribunal a jugé « recevables » les demandes du Trésor public. Le tribunal ordonne toutefois une expertise technique relative aux matériaux et au mobilier des CRA 1 et 2. Expertise qui doit déterminer :
- si les matériaux et le mobilier étaient conformes aux normes de sécurité
- la cause de la propagation de l’incendie dans les CRA 1 et 2
- le montant du préjudice subi

Des experts seront nommés au titre de l’article 263 du Code de procédure civile. (11)

Leur rapport devra être rendu au greffe avant le 13 décembre 2010.

3000 euros (« soit 1500 euros par expert », la présidente dixit) seront à verser par l’agent du Trésor avant le 17 mai 2010, selon l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le jugement sera rendu le 12 janvier 2011 à la 16ème chambre.



La présidente : « l’audience est suspendue ».


Dans le hall, les gens discutent, scandent des slogans, sous les yeux des gendarmes et de civils. « A bas l’Etat, les flics et les patrons ».

Les avocats de la défense répondent aux caméras et annoncent qu’ils font appel du jugement.


Quelque temps après, une trentaine de personnes se dirigent vers la sortie, des « liberté pour tous les sans-papiers » résonnent. « Pierre par pierre, et mur par mur, nous détruirons toutes les prisons ».

Le groupe est suivi par les gendarmes et les civils. Arrivé dans la grande cour du TGI, le groupe fait résonner des slogans. Les gendarmes les entourent et les sortent de l’enceinte du tribunal.




Pretium humanae gentis ?















(1) Ce qui, de façon tout à fait paradoxale et concomitante, revient dans la pratique des forces de l’ordre à le réduire (l’espace).

(2) Cette petite histoire a quand même le mérite de poser encore une fois la question du choix des mots. Si pour la personne du public, l’objet d’indignation est le mode de désignation des personnes jugées, pour l’avocat c’est la manière dont la personne s’adresse à lui. Ce qui fait violence à l’avocat, c’est que son titre soit écorché. Ô douleur, ô incorrigible irrespect du « marxiste » à l’égard des « conseils »…

(3) A propos de la présence des journalistes, notons simplement que le box qui leur est réservé a été étrangement déserté pendant les trois demi-journées d’audience pendant lesquelles ont été visionnées les bandes de vidéosurveillance et les deux autres consacrées aux auditions fort croustillantes des plaignants et au réquisitoire. Ils étaient deux en moyenne, grand maximum. Et quand ils étaient là, ils assistaient très rarement à l’intégralité de la séance. Pour en dire quoi d’ailleurs ? « Des incidents ont émaillé la séance » (sic). S’agissant de la séance d’aujourd’hui, saluons chaleureusement -entre autres- l’article de 20 minutes (pour torcher un compte-rendu à l’aide du dictionnaire à trois entrées).

(4) 25 places assises pour le public auxquelles il faut généralement retirer 2 places, voire plus, pour les civils. Entre un tutoiement à l’une des plaignantes et un profil aussi bas que le niveau de leurs réflexions, nos vaillants infiltrés ont réussi l’exploit de s’échanger un merveilleux « soyons T’actifs ». Ah, la subtilité des agents de liaison…

(5) 300 kilos de muscles dans des combis bleues pour une septuagénaire, voilà une belle leçon de courage et de gestion ad hoc du risque.

(6) Trois ans ferme donc. La justice parle en mois quand elle se rend. Ca peut évoquer des « mois de vacances », peut-être, sauf que dans ce cas-ci, c’est la vacance de la justice dont il est question.

(7) Emis le 24 février 2009.

(8) En droit, le « pretium doloris » est « l'expression d'allure latine désignant une cause de préjudice en réparation de laquelle la victime obtient un compensation financière pour les souffrances qu'elle a ressenties ensuite des blessures subies et ce, que ces souffrances aient été ou non la conséquence directe ou indirecte (interventions chirurgicales) d'un fait accidentel ou à d'un mauvais traitements dont l'auteur doit répondre. Cette réparation se cumule avec l'indemnisation des autres chefs de préjudice tels que le préjudice physique, le préjudice moral, ou le préjudice esthétique. » Voir ici.

Pour rappel, voici le détail des (affreuses) blessures relevées chez les flics :

- « fracture du gros orteil – 5 jours d’ITT »
- « entorse bénigne du genou gauche + inhalations de fumées »
- « [une plaignante] tirée par le cheveux – 3 semaines d’arrêt de travail, mais elle est allée travailler quand même »
- « entorse de la cheville gauche – 3 semaines d’attelle »
- « inhalations de fumées toxiques, elle [la plaignante auditionnée la veille] a eu la peur de sa vie, ses jambes ne répondaient plus »
- « inhalations de fumées toxiques, il (un flic) a senti le vent venir – selon le certificat d’un ORL, il est sourd d’une oreille suite à l’exposition à des fumées toxiques »
- « inflammation nasale diffuse »



(9) La présidente marmonnant, il s’agit soit de l’article 460-1 soit du 461 relatifs à « la discussion par les parties » lors des débats. Voir le code ici.


(10) Enfin, plus précisément, la seconde plaignante. Celle qui avait roulé dans la salle d’audience un furtif patin à l’un des gendarmes en poste au tribunal, et qui avait joué les premiers violons lors de son audition.

(11) Article qui prévoit que « l'expertise n'a lieu d'être ordonnée que dans le cas où des constatations ou une consultation ne pourraient suffire à éclairer le juge. » Voir le code en ligne.










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Je dédie ce billet à tous les connards qui s’empressent en ce moment même de commenter la « nouvelle » sur différents sites, Le Monde, Le Figaro par exemple, saluant la décision de justice, parlant sans savoir. Des ordures se gavaient le bide quand on faisait du châtiment un spectacle en place publique, quelques siècles plus tard, les mêmes se raclent l’ongle sur un clavier pour applaudir la très discrète œuvre de justice.




mercredi 10 février 2010

Tribunal des flagrants délires - Jour 8 Procès CRA Vincennes






Mardi 9 février. Huitième jour d’audience, toujours à la 16ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. 13h30. Devant la chambre, deux gendarmes indiquent comme la veille que le public ne pourra entrer que lorsque les affaires précédentes auront été renvoyées. Quelqu’un dans le public précise aux deux gendarmes que les audiences sont censées être publiques. Réponse des forces de l’ordre : « On a des consignes, on nous a demandé de ne faire entrer que les personnes qui doivent comparaître. » La définition du « huis-clos » est visiblement très extensive. Un quart d’heure plus tard, les quelques personnes présentes pour assister au procès du CRA prennent place dans la 31ème chambre, après vérification de l’extinction des téléphones portables. (1)


14h. Deux journalistes dans le box de la presse.

Ouverture de la séance. La présidente évoque (pour la forme) la citation de témoins par la défense. « Sont-ils présents ? » « Aucun des témoins cités par la défense n’est présent ». Elle décide alors de lire les déclarations des sénateurs Brard (apparenté PC) et Desessard (Verts), qui ont tous les deux témoigné dans cette affaire lors de l’instruction.

On commence par le Vert et on finit par le Rouge (2).

« Dans le cadre de [son] mandat », le sénateur Desessard a visité la zone d’attente de Roissy, les CRA du Mesnil-Amelot et de Satolas. Quinze jours avant l’incendie du CRA de Vincennes, il s’est rendu sur les lieux. Il a ressenti une « tension importante, une violence palpable ». « De retour à [son] domicile, [il] [a] été anéanti pendant deux heures » par ce qu’il avait vu à Vincennes. Il a noté de « l’agressivité [existant] entre les retenus eux-mêmes » et précise dans son témoignage que la question de l’éventuelle responsabilité individuelle des prévenus « doit être appréciée au regard de ces conditions explosives. »

Fin de la lecture du témoignage du sénateur Desessard.

La présidente rappelle que « tout téléphone doit être éteint » et que « tout moyen d’interception est formellement prohibé au sein de l’enceinte judiciaire. »

Lecture du témoignage du sénateur Brard portant plus particulièrement sur la personne de l’un des prévenus.


Brard est entendu le 29 janvier 2009 par le juge d’instruction. Le 21 juin 2008, « [il] [se] ren[d] au CRA de Vincennes suite au décès du retenu tunisien et rencontre le substitut du procureur. Un malien [lui] donne [alors] des documents. » Le 22 juin, « [il] reçoi[t] un appel de RESF [l]’ informant que le CRA est en flammes. [Il] [s]’y [est] rendu, [a] pénétré dans le centre. [il voulait passer un appel depuis son téléphone] mais [son] portable [lui] a fait défaut. Un retenu [l’un des prévenus pour lequel Brard témoigne] était en ligne avec sa femme. Elle a voulu qu’[il] intervienne. (…) »

En gros, Brard explique que le retenu était calme malgré l’incendie et qu’il imagine mal comment quelqu’un qui aurait été l’auteur d’un tel acte aurait pu être aussi détendu à ce moment là. Brard précise dans son témoignage que ce n’est pas la première fois qu’il visite le CRA.


Fin de la lecture par la présidente. « Y a-t-il des questions ? »

Pas de questions. L’avocate des plaignants s’avance vers les juges. (3) Commence alors une drôle de plaidoirie.

Elle débute en évoquant « les aveux ou les farouches dénégations des prévenus ». « Encore faut-il qu’ils soient là. Ils sont absents. Ils étaient bien présents les trois premiers jours du procès. » (…)

Selon elle, les prévenus « ont profité des conclusions » présentées par leurs avocats. Ainsi, « ils ont défloré la défense. »(4)

Elle parle du « ton qu’ils (les avocats de la défense) ont voulu imposer au dossier qui serait un dossier politique et sensible ». Elle revient sur « le parallèle avec Clearstream » (5) évoqué par la défense. Singeant la défense, elle poursuit : « ce procès qui devrait être selon eux le procès de la politique du chiffre et de l’enfermement, de la politique qui tue. »

« Ca m’a choquée [quand la défense] a évoqué [au sujet des CRA] le jour anniversaire de la libération d’Auschwitz (soit le 27 janvier) un univers concentrationnaire, [que les sans-papiers] seraient victimes de rafles. »

« Madame T. (l’une des plaignantes dont je relatais les envolées hier lors de son audition) est venue dire au tribunal ce que les manifestants criaient. »

Elle explique que c’est faire honte « aux déportés, et aux fonctionnaires de police en assimilant [ces derniers] à des kapos nazis. »

« Les CRA existent depuis 1981 (…) Ils ont été créés pour garantir un maximum de droits [aux sans-papiers]. (6) » Selon l’avocate, il ne s’agit pas ici du procès des CRA « et pas d’avantage du procès du CRA de Vincennes. » Elle avoue qu’elle était « totalement ignorante de ce genre de structures. » (7)

Par rapport aux conditions de rétention, elle rappelle que la nourriture est bonne et qu’ « on est loin des camps d’internement ».

« Les mesures ne sont pas celles d’une prison. Oui, l’enfermement, mais à part ça ? » (8)

L’avocate poursuit dans sa lancée : « Les retenus ont un nécessaire de toilette à l’arrivée, ils ont des droits, il y a quand même des visites, ils s’échangent des cigarettes, des portables, des briquets voire des allumettes. (…) Les portables sont autorisés, les Playstations sont autorisées, les fonctionnaires de police ont une présence réduite au strict minimum. Les retenus bougent [car] il faut éviter un ressenti d’agression. »

« Les retenus exerçaient une certaine violence entre eux et contre eux : des bagarres, des suicides. Cette violence, ils l’ont exercée contre les forces de l’ordre le 21 juin à la suite de la mort de monsieur Souli (…) Il y avait déjà des échauffourées, des départs de feu éteints grâce aux extincteurs et aux forces de police. Le 22 juin, il y a eu différents événements. La marche religieuse qui selon un fonctionnaire de police n’était pas que ça. Les retenus ont sorti des matelas (…), puis il y a eu des échauffourées entre [une plaignante] et des retenus (…). »

« Une femme représentante d’une autorité dans un monde d’hommes. » (9)

Selon l’avocate, heureusement la plaignante a eu « un bon réflexe en s’en allant ». L’avocate fait ensuite référence au moment où les flics se planquent dans l’espèce de cube grillagé extérieur : « Quand les policiers sont dans la grille, c’est comme s’ils étaient du côté de l’emprisonnement, de l’enfermement. » (10)

« Il y a eu des jets de poubelles, de projectiles (…) Ce n’est pas le procès du CRA mais de six personnes. (…) Nous avons des photos. »

A propos d’un des prévenus, l’avocate déclare que « son système de défense est un peu faible » faisant référence à la grève de la faim qu’il avait évoquée lors de ses auditions lors de l’instruction (la présidente avait précisé hier que visiblement selon les listes d’émargement du réfectoire du CRA, le prévenu avait cessé sa grève de la faim avant le 21 juin). A propos d’un autre, l’avocate explique : « il dit qu’il était atténué par les médicaments [Subutex] alors que c’est une infirmière qui distribue le Subutex. »

L’avocate parle de « la volonté des retenus de mettre le feu. »

Elle indique que l’une des plaignantes (la demoiselle qui a été auditionné la veille) « a reconnu [un prévenu] qui lançait des morceaux de dalles. »

Elle indique que des fonctionnaires de police ont reconnu des prévenus. Elle parle de sept témoignages dont celui-ci : « Je reconnais qui m’a craché dessus. »(11) « [l’un des prévenus] est un meneur, il a essayé de me taper, j’ai reçu un morceau de parpaing sur le pied. »

L’avocate, toujours très en forme : « Et on se demande après si on a besoin de vidéosurveillance ? »

Elle aborde la question des blessures des policiers, appuyée par des certificats médicaux. Voici en détail les blessures qui ont été relevées :

- « fracture du gros orteil – 5 jours d’ITT »
- « entorse bénigne du genou gauche + inhalations de fumées »
- « [une plaignante] tirée par le cheveux – 3 semaines d’arrêt de travail, mais elle est allée travailler quand même »
- « entorse de la cheville gauche – 3 semaines d’attelle »
- « inhalations de fumées toxiques, elle [la plaignante auditionnée la veille] a eu la peur de sa vie, ses jambes ne répondaient plus »
- « inhalations de fumées toxiques, il (un flic) a senti le vent venir – selon le certificat d’un ORL, il est sourd d’une oreille suite à l’exposition à des fumées toxiques »
- « inflammation nasale diffuse »


« Je ne reviendrai pas sur la demande de dommages et intérêts » (pas plus de précisions de la part de l’avocate).

L’avocate aborde la question du « préjudice moral ».

« On a beaucoup (?) parlé de la détresse des retenus mais on n’a pas parlé de la détresse des fonctionnaires de police. »

« Ils sont là pour aider les retenus étrangers, laisser passer des cigarettes, expliquer la CIMADE (sic). Ils sont un rôle social et humanitaire. Ils sont là pour rassurer [les retenus]. » (12)

« Il faut un certain sang-froid et du courage pour rentrer dans le CRA en dépit des flammes. »

(…)

Fin de la plaidoirie de l’avocate des plaignants.



Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Allez, plaidoirie de l’avocate du Trésor Public -de l’Etat donc- qui s’est constitué partie civile à la veille du procès.

L’avocate commence en disant qu’elle a entendu toutes sortes de choses à propos de l’Etat dans ce procès : « [Au contraire] je n’ai pas honte de défendre l’Etat. »

Elle parle des prévenus : « Ils ont dérapé. »

Elle évoque « la situation difficile psychologiquement et moralement » vécue par les retenus (« les retenus sont dans une situation difficilement vivable ») …pour mieux la renverser en parlant d’ « un pays où nous pouvons entendre les débats ». Elle poursuit sur « les excès du 22 juin et les excès de langage » : « on ne peut pas comparer certaines situations à d’autres situations » (en d’autres termes comparer les CRA à des camps d’internement).

L’avocate du Trésor aborde alors « la situation difficile des fonctionnaires de police qui appliquent la loi dans des circonstances difficiles à supporter. »

Selon elle, les flics « viennent là en soutien ». « Leur mission est d’être à l’écoute, de rendre les choses les moins difficiles possible. » Aussi, « ils ont le soutien de cet Etat qui n’est pas la société mais un organisme qui les emploie » (13). Elle poursuit : « L’Etat est un organisme social. »

L’avocate aborde la question du préjudice et considère qu’ « il est normal de venir demander réparation » même si celle-ci « est purement symbolique » puisque « les dommages ne seront jamais réparés » et que le préjudice « n’est pas entièrement chiffrable et que ceci serait très long ». Aussi, elle demande « un sursis à statuer pour chiffrer les dégâts. »


Fin de la plaidoirie de l’avocate du Trésor.



Réquisitoire du procureur Flam.

Il est « d’accord avec les parties civiles », « la défense avait de façon honteuse comparé les CRA à l’univers concentrationnaire de 1942, c’est une curieuse conception de l’Histoire. » « Comparer les CRA et la justice d’aujourd’hui à ce qui pouvait exister en 42, c’est de la manipulation, une vision de l’esprit (sic). » Ce discours de la défense est « difficile à entendre dans cette enceinte ou même ailleurs. »

« Les avocats (de la défense) ont déserté le prétoire, renonçant aux débats contradictoires (…) je retiens ce terme de ‘désertion’, c’est un coup porté à la justice en refusant de venir défendre leurs clients. »

« Les paroles prononcées sont infiniment dures à entendre. C’est un outrage à la mémoire, à l’Histoire, à ceux qui y travaillent [dans les CRA] et ceux qui y sont et qui ont des droits, qui peuvent rencontrer leur famille. Il faudrait que raison revienne. »

Le procureur poursuit « sur les faits » en renvoyant au rappel de l’historique par la présidente la veille. Il cite un fonctionnaire de police de la partie civile : « J’étais avec un collègue qui comprenait l’arabe. Nous avons entendu qu’après la mort de Salem Souli ils voulaient mettre le feu. » Le procureur d’ajouter dans un sourire de bon aloi : « …pas comme au Stade de France » (14).

Le procureur revient au déroulement de la journée du 22 juin 2008 :

« Après 15 heures, une manifestation est organisée à la mémoire de Salem Souli.

A 15h23, selon les vidéos du CRA 2, la manifestation compte 40 à 50 retenus. La manifestation se déroule à peu près tranquillement dans la cour du CRA 2.

A 15h25, les retenus du CRA 1 ont leur attention attirée par les manifestations à l’extérieur et la manifestation dans le CRA 2. Au même moment, 15h25, une vitre tombe au CRA 1.

A 15h27, les fonctionnaires de police se trouvent dans le CRA 1 pour empêcher les dégradations. 15h27, au CRA 2, un certain nombre de retenus sortent des matelas à l’extérieur du CRA 2.

A 15h33, il y a un départ de feu dans une chambre, où se trouvent [trois prévenus].

15h36, à l’extérieur, des matelas en tas commencent à brûler. En très peu de temps, le bâtiment du CRA 2 brûle. Il y a un départ de feu au CRA 1. Un certain nombre d’événements coordonnés interviennent.

15h41, les pompiers sont prévenus.

15h47, les pompiers arrivent. Le feu extérieur est important. »


Le procureur explique qu’ « il y a une espèce de concertation (sic) qui aboutit à cette action dans les deux centres avec un même objectif, qui est plus qu’une protestation, de détruire le bâtiment, avec un certain succès, il faut quand même le dire. »

« Le CRA 1 n’a pas été abîmé par l’incendie, mais il y a eu des destructions, des cabines téléphoniques endommagées. Les bâtiments C et D du CRA 2 ont été ravagés par les flammes. »


Le procureur revient sur la mort de Salem Souli qui « est une mort naturelle selon l’autopsie ». Il est mort « sous les regards de ses co-détenus (sic) qui n’ont pas alerté les services. » « La rumeur s’est développée. On a entendu des cris ‘assassins !’, ‘au meurtre !’ ».

« Un prévenu a parlé du ‘meurtre’ et pas de la ‘mort’ de Salem Souli. »

Le procureur revient sur les conditions de la rétention évoquées -très favorablement par les parties civiles- : « On n’est pas dans un hôtel 2 ou 3 étoiles. C’est un centre de privation de liberté. » Néanmoins, selon le procureur, « le personnel qui assure la sécurité agit selon une déontologie certaine. » « Les fonctionnaires de police essaient de calmer le jeu, les retenus voient leurs recours examinés, une association est présente sur les lieux, la CIMADE. Ce n’est pas 1942, même si des hommes retenus ont une liberté limitée. »

« L’enfermement provoque certains comportements, c’était un contexte particulièrement tendu, la mort de Salem Souli a entraîné une crispation, ce qui a permis à certains de faire valoir leur intérêt pour une démarche un plus violente. »

« On peut supposer une concertation, un minimum de coordination et des personnes qui jouent un rôle plus important que d’autres. »

« Il y a un certain nombre de personnes dont le rôle est apparu plus actif sur les vidéos. » Le procureur fait alors référence au « rapport contesté du laboratoire de police scientifique de la préfecture de police de Paris car il ne serait pas contradictoire ». « Ils [les experts] ont dit qu’il y avait eu différents départs de feu, qu’il n’y avait pas eu de communication entre les différents incendies. » Le procureur précise qu’il s’agit là des conclusions d’un labo « dont la qualité des experts est indiscutable ». (15) Les experts ont également conclu que « les matelas n’étaient pas ignifugés, qu’il s’agissait de départs de feu volontaires dans chaque centre et qu’on a présenté une flamme ». Le procureur de conclure : « par rapport à l’expertise, on ne leur a pas demandé d’en faire plus. »


Le procureur examine le cas de chaque prévenu, en commençant par ceux qui étaient retenus dans le CRA 1 :

Premier prévenu : « poursuivi pour violences volontaire sur les fonctionnaires de police et en réunion ayant entraîné des ITT inférieures à 8 jours ».

Selon le procureur, « avec les bandes vidéo, il n’y a pas de doute possible. Lors du visionnage avec le juge d’instruction, on le voit donner des coups de pieds et de poings aux forces de police. »

S’agissant de l’argument avancé par le prévenu au sujet de l’arrêt d’un traitement au Deroxat (un antidépresseur) qui aurait influencé son comportement, le procureur avance que le prévenu «n’a pas de dossier médical qui indiquerait qu’il était traité avec ce médicament et qu’après vérification, un sevrage au Deroxat n’entraîne pas ce genre de conséquences. » Le procureur ajoute : « il n’avait pas l’air particulièrement mal sur les photos, il n’avait aucune raison médicale de faire ça »

« 6 à 8 mois de prison » requis.


Deuxième prévenu : « trois chefs d’accusation (dégradations, destruction par incendie, violences volontaires sur des fonctionnaires de police) : on le voit sur des photos arracher un combiné téléphonique, pour les violences vis-à-vis des policiers il est vu sur des photos et des films, il jette des bouts de dalle sur des policiers. Il a été reconnu par des policiers sur l’album photo. Il balance également des cailloux pour descendre des vitres (sic). »

Le procureur poursuit : « S’agissant de la destruction par incendie, il entre dans la chambre n° 9 à 15h37 avec [d’autres retenus], il se retrouve dans cette chambre et ils sortent en regardant (sic) et à 15h42, il y a les premières fumées. »

36 mois dont 6 avec sursis, avec mandat d’arrêt requis.



Troisième prévenu (qui comparaissait détenu lors des premières audiences, et qui a obtenu une libération conditionnelle à l’issue de la troisième) : « On le voit jouer à la Playstation. Il part et on lui reproche des violences contre les policiers, des destructions par incendie et des dégradations de biens publics. Sur les vidéos et les photos, on le voit saisir une porte démontée d’une chambre. Avec une violence et une constance dignes d’éloges, on le voit fracasser un local. Il était particulièrement agité. »

36 mois dont 6 avec sursis, avec mandat d’arrêt requis.





Quatrième prévenu : « poursuivi pour violences volontaires contre les forces de l’ordre, comme l’indiquent les photos, et pour dégradations. Il jette des morceaux de béton contre les forces de police et les bâtiments, il y a eu des bris de vitres. »

18 mois dont 6 avec sursis.




Cinquième prévenu, actuellement sous mandat d’arrêt : « poursuivi pour violences contre les forces de l’ordre et pour dégradations par incendie. Il était dans la même pièce que [d’autres prévenus] où le feu s’est déclaré. S’agissant des violences, il a été vu sur l’album envoyer du béton (sic) sur les forces de police et les bâtiments. Il n’a pas fait de détention provisoire. »

3 ans d’emprisonnement requis.



Sixième prévenu : « poursuivi pour violences sur les forces de police. Les photos sont assez claires. Sur deux photos, on voit des échanges de coups. Il est extrêmement agressif avec les policiers au niveau des grilles du sas (le cube extérieur grillagé). Il a un casier judiciaire, pour infraction à la loi sur les étrangers. »

6 mois d’emprisonnement requis.



Le procureur passe au cas des prévenus qui étaient retenus au CRA 2.


Il précise qu’il s’agit là de « personnalités un peu différentes, qui ont marqué la vie du CRA ».


Premier prévenu (du CRA 2) : « Il a organisé la manifestation pour Salem Souli. Il est habillé de manière très reconnaissable, comme tous les prévenus. Je l’ai vu avec son béret bleu-gris, avec un T-Shirt bien reconnaissable. »

« Il est poursuivi pour destruction par incendie. Il a eu un rôle très actif pour sortir les matelas. Il a été vu de façon indiscutable (sic) accompagner [un autre prévenu qui était retenu dans le CRA 2] qui portait un chiffon enflammé. Il était suivi par [un troisième prévenu]. Ils sont entrés dans la chambre, où les draps et les matelas étaient inflammables. Ils ont apporté le combustible. [Le second prévenu] était avec le feu et on ne saura jamais d’où il est venu. »

« Il y a une relation de causalité indiscutable, entre l’entrée, la sortie de la chambre et les fumées. On ne l’a pas vu matériellement mettre le feu, mais il y a eu des fumées et des flammes (sic). »

« Il était un de ceux qui animaient le mouvement. »


30 mois de prison dont 6 avec sursis, «il a déjà passé 11 mois en détention provisoire »





Deuxième prévenu (du CRA 2) : « Il s’agit là d’une personnalité intéressante. Les forces de police le décrivent comme… quelqu’un qui râle, un râleur. Il a beaucoup crié. Il a une situation administrative différente des autres prévenus, mais il n’est pas question de cela (16). »

« Il est grand, voûté, un bonnet sur la tête. C’est lui qui a mis un Coran devant l’objectif d’une caméra (…) Il dit tout et son contraire de façon violente. Il a eu un rôle moteur dans l’animation dans cette révolte. Il était dans la pièce avec [le prévenu dont le cas est relaté au dessus et celui qui avait le chiffon enflammé]. »

« Il a renversé une table de ping-pong. En béton, je précise. »

36 mois de prison, dont 6 avec sursis. Le procureur ajoute : « Il n’avait pas fait mystère de ses intentions, selon les forces de police. Leurs propos étaient convergents, il avait une volonté de détruire le CRA. »


Troisième prévenu : « Le plus jeune, assez fragile. Il voulait rentrer chez lui, ça prouve qu’il a acquis la maturité. (17) »

« Sauf à penser que la combustion spontanée existe -j’étais très mauvais en chimie-, on le voit accroupi devant un tas de matelas. Après son départ de l’endroit, il y a un départ de feu. »

« Pour expliquer cela, il a dit qu’il cherchait dans les matelas une montre et de l’argent qu’il avait cachés. »

« Son cas est moins grave que les autres. »

18 mois de prison requis, dont 8 avec sursis, « il a effectué 8 mois en détention provisoire. »



Quatrième prévenu : « Alors il est intéressant ce prévenu, c’est lui qui se plaisait à dire quand on lui demandait comment étaient les conditions en rétention, que ‘la nourriture est bonne’ »

« Il avait ce chiffon entre les mains. Il était dans la pièce [avec les prévenus cités plus haut], il y a eu un départ de feu. »

30 mois de prison, dont 6 avec sursis requis. Mandat d’arrêt.




Le procureur souhaite poursuivre : « l’absence des avocats [de la défense] est un problème pour les prévenus. Ils ne sont pas défendus. S’agissant des demandes du Trésor, le préjudice n’est pas évalué, les dégradations sont très importantes, de par leur nature. Il faut se féliciter qu’il n’y ait pas eu de victimes. (…) »

A propos du « geste des prévenus », « pour le CRA 2, on le voit, pour le CRA 1, on l’imagine. »

« Pourquoi le feu s’est-il propagé aussi rapidement ? Pourquoi les draps et les matelas n’étaient pas ignifugés ? Pourquoi les extincteurs [qui avaient été utilisés le 21 juin] n’ont pas été rechargés alors que des bruits de révolte [avaient été entendus par les policiers] ? »

Il souhaite qu’ « une évaluation du préjudice » soit réalisée et qu’une « expertise [soit] ordonnée », « aussi pour la sécurité des policiers ». « Pour les policiers et les détenus (sic), c’est une obligation morale. »


15h35. Audience mise en délibéré au 17 mars 2010, à 13h30.









(1) Lors de l’audience de la veille, quelqu’un dans le public avait été sorti par les gendarmes pour avoir visiblement enregistré les débats. La présidente avait alors parlé d’un possible huis-clos.

(2) Généralement dans les urnes et dans l’histoire, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Fin de l’introduction à la sociologie du vote.

(3) Tremble prétoire !

(4) La propriété (de la défense), c’est le v(i)ol. Avec un tel argumentaire, sûr que la justice vous (re)fera une fleur.

(5) En effet, afin de montrer que le traitement du dossier était expéditif, la défense avait cité à titre de comparaison les heures de débats qui avaient été consacrées à différentes affaires, dont notamment les procès Tibéri, Dumas et Clearstream. L’évocation de Clearstream n’est pas tout à fait innocente ici puisque le procureur Flam s’était constitué partie civile dans ce dossier. Ou comment l’on imagine très fort à ce moment là l’avocate des plaignants geindre un « ils t’ont traîné dans la boue, je nettoierai ta robe. »

(6) Intéressante conception du droit. L’enfermement garantirait un meilleur accès aux droits. En tout cas, il nécessite plus certainement des recours en droit.

(7) Pour une spécialiste du droit, c’est rassurant.

(8) Où il est parfois plus utile d’abandonner le Code pénal et d’écouter Audiard : « Les cons ça ose tout, et c’est même à ça qu’on les reconnaît. »

(9) Cela pourrait être le sous-titre d’une fausse pub « Barbara Louf » des Nuls.

(10) Cinq minutes avant, le CRA n’était pas une prison selon l’avocate, là une vingtaine de flics dans un cube dont ils ont la clé sont quasiment des condamnés à mort. En tout cas, si les débats n’ont pas été contradictoires dans leur déroulement, l’avocate des flics assure très bien la contradiction dans sa plaidoirie.

(11) Qu’on envoie le fautif à Cayenne.

(12) On se rappellera de Maurice Papon qui déclarait sans rire, avant 1961, lors d’une interview, au sujet de la gestion par la police des bandes de « blousons noirs » : « Les policiers sont avant tout des psychologues ».

(13) L’Etat, ce n’est donc pas la société mais l’organisme social qui emploie les flics. Jolie « manifestation de la vérité ». On attend Max Weber dans le prétoire : « L’Etat est cette entreprise qui revendique avec succès, sur un territoire donné, le monopole de la violence physique légitime. »

(14) Si selon le procureur Flam, certaines choses sont « difficiles à entendre dans cette enceinte », il est des blagues qui devraient être réservées exclusivement au pot de départ d’un brigadier chef, par exemple.

(15) Sauf que dans le cas de ces « expertises », on peut quand même justement « discuter » de leur indépendance. En effet, et comme cela avait souligné par la défense lors des premiers jours d’audience, l’Etat est dans cette affaire à la fois juge et partie : il réalise via ses services de police scientifique des expertises versées au dossier et se constitue également partie civile.

(16) Par « situation administrative », le procureur entend une femme et des gosses. On appréciera le choix des mots du ministère public.

(17) Comme dirait Desproges, « au lieu de vous emmerder à lire tout Sartre, [écoutez un procureur], vous avez en même temps la nausée et les mains sales. » Pourquoi cette citation ? Il convient de préciser que selon un rapport qui a été révélé lors de l’audience du 8 février, le prévenu a fait plusieurs tentatives de suicide en détention. Le 11 août 2008, un surveillant avait découvert le prévenu « les pieds et les mains pendants ». Il s’était mutilé au niveau du visage, des bras et du cou. Il avait avalé des lames de rasoir avec du shampooing. Dans son cas, la justice parlera de « maturité » et pas de « préjudice moral » ou de « détresse » (privilège discursif réservé aux forces de l’ordre).





NB : Voir aussi l'article de Dominique Simonnot au sujet du procès dans Le Canard enchaîné daté du 10 février.


EDIT 16 février : ci-dessous, ledit article :


Dans la chronique « Coups de barre »

« C’est énorme, Henri ! »

Tribunal de Paris

Oh la la, ce procès est un naufrage ! Un jour, c’est le client de Maître Terrel qui est arrêté. Pas de papiers, et pour cause. C’est pour ça qu’il était au centre de rétention de Vincennes quand il a brûlé, en juin 2008. Il est un des dix accusés d’y avoir mis le feu, mais comment le juger, si on l’interpelle à chaque coin de rue ? Un autre jour, c’est le client de Maître Stambouli qui reconnaît la présidente. Elle l’a mis en prison il y a quelques années. Mais alors, cette présidente peut-elle juger sans arrière-pensée ? Le tribunal est-il impartial ? Non ! clament les avocats. Si ! décrète la rigide présidente.
Et ces trois ridicules demi-journées fixées pour juger dix personnes qui nient tout ! Quand on pense que le procès Clearstream a duré un mois ! Les avocats ont réclamé plus de temps. La présidente a ordonné trois jours par semaine, pendant trois semaines. Et tout de suite ! Ah, mais pour ça il faut un jugement ! a opposé Maître Terrel. Pas du tout ! s’est énervée la juge. Oui, mais Maître Terrel avait raison, sans quoi le tribunal siègerait illégalement.
Les avocats ont appelé des renforts. Devant la salle, ils entourent Henri Leclerc, le grand pénaliste, et Maître Jean-Yves Leborgne, le vice-bâtonnier, qui a plaidé pour les soutenir. On crie : « C’est énorme, Henri ! Enorme ! Il fallait un jugement ! » On imite la grosse voix de Leborgne : « Notre bâtonnier a parlé d’une situation bancale, d’une procédure anormale et d’une image déplorable de la justice ! –Bravo ! Et vous avez vu, la présidente a osé l’interrompre ! Elle était furieuse ! » En tout cas, la veille il n’y avait pas de jugement, aujourd’hui il est là : « Je suis un fameux marabouteur ! Je l’ai fait réapparaître ! » , s’amse Maître Leborgne.
Mais le chaos continue. Contrairement à l’usage, la présidente a maintenu son nouveau calendrier d’audiences, sans demander l’avis des avocats. « C’est impossible de nous imposer ça ! Comment allons-nous faire ? Nous avons d’autres audiences ! Il faut renvoyer ce procès à plus tard ! » Et tous les avocats ont quitté l’audience. Tous les prévenus aussi.
Le premier président de la cour d’appel s’en est mêlé. Il s’est dit « consterné » par Maître Leborgne dont le propos « contribuent à l’agitation des esprits, alors que la justice a besoin de sérénité ». Il accuse même le vice-bâtonnier d’attentat à « l’indépendance de la justice ». Vraiment, c’est bien la première fois que quelqu’un voit en Maître Leborgne un agitateur gauchiste…
Et dans la salle ! L’ambiance est affreuse, le silence sépulcral. Hormis quelques spectateurs et les avocats de la préfecture, il ne reste personne pour visionner les images, bleuâtres, verdâtres, jaunâtres, des caméras de surveillance du centre de rétention le jour du feu. Et la présidente arbore le visage fermé d’une veuve corse. Sans doute en hommage à ce pauvre Tunisien asthmatique dont la mort mystérieuse, au centre de rétention, ce jour-là, a déclenché la révolte.









lundi 8 février 2010

Tribunal des flagrants délires - Jour 7 Procès CRA Vincennes



Justifier
Lundi 8 février. Septième jour d’audience à la 16ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. Audience prévue à 14h. 13h30, des affaires doivent être renvoyées avant que les débats commencent. Le gendarme à l’entrée de la salle filtre les entrées, demandant si l’on doit comparaître. Si la réponse est négative, on ne peut pas entrer. Dix minutes après, la porte s’ouvre. « Dossier n°11 » annonce la présidente Dutartre. Un prévenu comparaît détenu, un gendarme derrière lui dans le box. Prises de parole de la présidente et du procureur, marmonnant.

Audience suspendue. Discussion entre une journaliste et le procureur séparés par la cloison en bois fixant la limite entre le box de la presse et le ministère public.

Arrivée de l’avocate des plaignants. Ils sont trois pour le moment.

Reprise. La présidente prononce le maintien en détention du prévenu dans l’attente de son procès renvoyé au 31 mars.

« Nous allons reprendre notre affaire », lance la présidente à propos du CRA.

A propos de « leur » (?) affaire, et histoire d’avoir quelques repères dans cette (très longue) audience, celle-ci peut être résumée de la manière suivante :



1) Rappel du « contexte »

2) Pour chaque prévenu (retenus au CRA 2 et au CRA 1), sont présentés par la présidente :
- les chefs d’accusation dont ils relèvent (dégradations et/ou dégradations par incendie et/ou violences volontaires sur des fonctionnaires de police)
- l’ensemble de leurs déclarations au sujet de l’affaire : en garde à vue, lors de leurs auditions successives avec le juge d’instruction, lors du visionnage des bandes vidéos avec leurs avocats, lors de la confrontation avec les plaignants (les flics du CRA).
- la description des photos sur lesquelles ils figurent (« l’album photos » qui est en fait une série de captures d’écran des bandes de vidéosurveillance).
-leurs réponses quant à la question de leurs conditions de rétention
- vérification éventuelle de déclarations de certains prévenus auprès des services médicaux du CRA notamment.

3) Lecture des dépositions des fonctionnaires de police

4) Lecture d’une audition d’un retenu (à charge contre les prévenus)

5) Lecture d’ « éléments de personnalité » des prévenus, soit le détail de leur éventuel casier judiciaire

6) Auditions de 3 plaignants



Voilà en gros pour l’architecture générale des débats d’aujourd’hui. Et ils furent longs, très longs, et entrecoupés de moments assez rock’n’roll/trash, notamment du côté des auteurs du bisou fougueux de mercredi dernier. (1)



1) Le « contexte » précisé par la présidente :

« Le 21 juin 2008, un retenu, Salem Souli, décédait dans sa chambre n°11 des suites d’un syndrome d’asphyxie liée à une détresse respiratoire (…) selon le rapport d’autopsie diligenté par le procureur. »

S’ensuivirent des « émeutes au cours de l’après-midi », puis « le 22 juin 2008, de nouvelles émeutes suite à une marche silencieuse organisée par des retenus ». Emeutes « liées à ce décès d’un compatriote tunisien ». Au cours de celles-ci, des retenus « s’affrontaient avec les forces de police au CRA 1 et au CRA 2 partiellement détruit suite à différents incendies, à partir de matelas dans la cour des CRA 1 et 2 et dans certaines chambres ».

Il y a eu également des « dégradations par un certain nombre de retenus, des bris de vitres (…) ».

« Des policiers ont été chargés de diligenter une enquête. »

« Le dimanche 22 juin, le procureur se rendait sur place (…) Le constat de l’enquête a montré que dans le CRA 1, le bâtiment E avait été dégradé, le mobilier des chambres avait été dégradé, des cabines téléphoniques avaient été rendues inutilisables. Le bâtiment D a été ravagé par les flammes et la toiture s’est effondrée. »

« Dans le CRA 2, le bâtiment C a été largement détruit, selon l’enquête des enquêteurs (sic). A l’extérieur, un amoncellement de matelas a été découvert devant les portes 2 et 9. On a trouvé des traces de combustion. Suite à l’incendie et aux fumées toxiques, il y a eu 18 à 20 victimes, dont certaines ont été conduites à l’hôpital. » (…)

Selon le rapport du Laboratoire de la police scientifique de Paris, requis par le procureur, « il y a eu mise à feu délibérée grâce à des briquets et des allumettes (…) Aucune trace de liquide inflammable. Un accélérant de combustion n’était pas indispensable pour entraîner de tels dégâts. Il y a eu 4 départs de feu volontaires, des incendies délibérés, plusieurs départs de feu. »

« Il n’y avait aucune communication entre les deux bâtiments, d’où des départs de feu volontaires. »

« Les chambres d’où le feu est parti : chambres 12, 24 et 27 dans le CRA 1, la salle de détente n°2 du CRA 2 et le gymnase – ce qui n’est pas reproché aux prévenus – (sic) où les retenus ont été évacués. »

« Selon les enquêteurs, les bâtiments 1 et 2 étaient équipés de bandes de vidéosurveillance. Il a été plus facile d’exploiter les bandes du CRA 1 car elles n’ont pas été touchées par l’incendie, elles ont donc pu être visionnées dans leur intégralité. S’agissant du CRA 2, un certain nombre de caméras ont été touchées par la suie. Les policiers devaient extraire les vidéos et les exploiter après un montage – montage réalisé en fonction de l’état des bandes vidéo. »

« Différentes scènes qui ont été utiles à l’enquête : les dégradations des bâtiments, les allées et venues de retenus en train de déplacer des matelas, l’extérieur et l’intérieur, la fumée dans les chambres était intéressante pour impliquer ou non des retenus. »

« Un certain nombre de retenus sont impliqués dans des jets de projectiles voire de crachats vis-à-vis des policiers. »

Fin de la présentation du contexte par la présidente.

Elle précise qu’il existe un album photos pour chaque prévenu. Elle explique qu’un certain nombre de prévenus ont été déférés devant un juge d’instruction, trois sous mandats d’arrêt (2), un qui n’a pas été poursuivi, un qui a été « témoin assisté » puisqu’ « il avait tenté de calmer la situation (…) il avait eu un comportement d’apaisement », « dix ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel. »

La présidente poursuit : « Nous allons évoquer chaque situation de prévenus (sic) ».




(Le détail des débats sera retranscrit le plus rapidement possible).






EDIT mardi 9 février, 10h : où il sera question lors de cette audience (qui a nécessité une trentaine de pages de notes entre 14h et 18h) d'un livre placé devant une caméra par un prévenu, de consommation de Subutex, de Valium par d'autres prévenus, d'une tentative de suicide d'un prévenu à l'aide de lames de rasoir avalées avec du shampooing, de grève de la faim, d' "angoisse et de stress" chez une plaignante, de manifestants extérieurs qui auraient incité à la révolte au CRA, d'une personne dans le public qui se fait sortir et confisquer son enregistreur portable et d'une menace de huis-clos par la présidente, d'autres qui se font sortir pour de supposés chuchotements, d'un flic qui s'est "blessé au genou...tout seul" et de retenus au CRA qui selon l'une des plaignantes "[font] [leur] vie, [leur] train-train, ils n'en font qu'à leur tête."

Dans le même genre, par la même plaignante lors de son audition le 8 février : (avec les retenus au CRA) "on essaie d'avoir -comment ça s'appelle ?- de dialoguer (sic)". "Ils [les retenus] étaient porteurs de briquets, ils les cachaient. Ils ont le don de pouvoir cacher des choses." "Ces gens-là [les retenus], ils ont des responsabilités, qu'ils les assument."

Tant de considération pour les retenus ne peut laisser indifférent. A relire l'audition de cette plaignante, on se dit que finalement ces sous-merdes de marabous sous psychotropes n'ont que ce qu'ils méritent. Non ?

Reprise des cours d'humanisme dans ta face aujourd'hui à 14h.









(1) Faites l’amour, pas des dépositions. Où l’on verra que la plaignante et le gendarme impliqués dans ce haut fait de coopération interprofessionnelle (dit « le rapprochement des corps de police et de gendarmerie ») ne sont plus tout amour en matière de dépositions et de gestion du public. (cf. épisode précédent sur « l’amour des forces de l’ordre au tribunal »)

(2) Un a été effectivement arrêté. Il s’agit du prévenu qui comparaissait détenu lors des deux premières journées d’audience. A l’issue de la troisième, il a obtenu une libération conditionnelle.

jeudi 4 février 2010

Tribunal des flagrants délires - Jour 6 Procès CRA Vincennes






Mercredi 3 février. Sixième journée d’audience à la 16ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. Vers 13h30, une journaliste de France 3 et son anorak flanqué du logo de la chaîne demande aux deux gendarmes installés devant la 31ème chambre quand se tiendra l’audience « pour le CRA ». L’audience est prévue à 14h. Peu de temps après l’arrivée de la journaliste, une caméra est braquée sur l’entrée de la chambre. Pas grand-chose à filmer, les avocats de la défense ayant indiqué la veille qu’ils ne se présenteraient pas aux audiences prévues, considérant les irrégularités de procédure.

14h15. Entrée des magistrats. La journaliste de France 3 est installée dans le public. Une autre journaliste dans le box prévu pour la presse. Quatre plaignants et les deux avocates des parties civiles. Quelques personnes dans le public. Comme la veille, des affaires sont renvoyées. Fin des renvois. Les débats peuvent commencer.

La présidente constate qu’ « il y a toujours les mêmes personnes dans la salle. » Elle poursuit : « Monsieur l’interprète, vous pouvez prendre congé. » (1) Les avocats de la défense et les prévenus l’ayant pris aussi (le congé), la présidente annonce donc la poursuite du visionnage des bandes vidéo du CRA 2.

14h20. 7 vidéos en simultané à l’écran. 2 caméras filmant les couloirs, 5 filmant l’extérieur du bâtiment. La greffière interrompt la projection au bout de 15 secondes.

La présidente : « On en était à l’unité 2, la moitié. »

Une vidéo en plein écran de l’extérieur du bâtiment est projetée. On voit les grilles. Deux secondes de projection. (2)

Aucune mention par le tribunal de l’heure d’enregistrement des bandes. A priori, la plage horaire est 15h/16h.

8 vidéos en simultané (3). On voit les grilles extérieures. Allées et venues de retenus, quelques mouvements de foule.

Caméra 4 : on voit un feu qui prend visiblement à l’extérieur. Aucune image de mise à feu. Des retenus déplacent des matelas vers l’extérieur du bâtiment. On distingue ce qui semble être des flics à l’extérieur. Tas de matelas à l’extérieur.

Le procureur consulte ses documents.

On aperçoit un fort dégagement de fumée à l’extérieur.

Des huit caméras dont les enregistrements sont projetés à l’écran, 3 sont H.S., la fumée masquant toute image.

Sortie de la journaliste de France 3.


Caméra filmant l’espace extérieur grillagé (une sorte de cage dans laquelle les flics s’étaient planqués, les retenus amassés autour). 2 secondes de visionnage.




8 caméras en simultané. 2 caméras filmant l’extérieur, 6 filmant les couloirs du bâtiment. Quelques allées et venues de retenus.

Le regard du procureur se porte alors plus sur ses notes que sur l’écran.

Pendant un bon quart d’heure de visionnage, il ne se passe rien, à part des allées et venues de retenus, à l’intérieur et à l’extérieur.





8 nouvelles caméras en simultané. Il s’agit visiblement du bâtiment des femmes. Quelques personnes dans le public distinguent des silhouettes en jupes.

Caméra 1 (sur les 8 à l’écran) : sortie massive de retenu(e ?)s hors du bâtiment.

Caméra 7 : On voit de nombreux retenus à l’extérieur.

Caméra 6 et 7 : des poubelles sont sorties.

Caméra 2 : Il y a visiblement des flics dans la cour.
Allées et venues de retenus.

Caméra 7 et 8 : on voit de la fumée dans les couloirs. Aucune image de mise à feu.

Caméra 1 : sortie massive de retenus dans la cour.

Les caméras 7 et 8 sont probablement HS, en tout cas les deux écrans se noircissent.

Caméra 4 : Probablement des femmes retenues allant et venant dans les couloirs.

Caméra 2 : des flics dans la cour.

Allées et venues de retenues dans les couloirs.

Caméra 2 : flics dans la cour.

Caméra 3 : des flics dans les couloirs.

Caméra 2 : des flics visiblement seuls dans la cour.

Caméra 1 : des flics passent la grille (vers l’intérieur visiblement). Quelques personnes dans le public se demandent s’il y a là des pompiers.




Nouvelle sélection de vidéos. 8 caméras en simultané. 3 filmant les couloirs, 5 filmant le réfectoire. Aucune précision de l’heure de l’enregistrement des bandes.

On voit quelques retenus dans le réfectoire. Un homme (un retenu ?) déplace une poubelle dans le réfectoire.

Caméra 7 : un homme (un retenu ?) passe la serpillière.

Caméra 8 : même scène.

Caméra 6 : un homme (un retenu ?) amène dans réfectoire du matériel de nettoyage.

Caméras 1/2/3 : flux de retenus. Agitation.

Caméra 2 : matelas sortis d’une chambre.

Caméra 3 : matelas (et peut-être draps) sortis d’une chambre. Allées et venues de retenus.

Le réfectoire est vide.

Caméra 6 : passage d’une poubelle.

Caméras 1/2/3 : quelques retenus passant dans les couloirs.

Long passage où il ne se passe rien.

Caméra 1 : visiblement hors d’usage, on distingue seulement un halo jaunâtre sur fond noir.

Caméra 4 : image assombrie, puis écran noir.

Caméra 2 : flou progressif sur l’écran.

Caméras 2 et 3 : fumée ? Aucun retenu sur les images.

Caméra 2 : fort dégagement de fumée. Feu. Aucune image de mise à feu.

Caméra 1 : HS

15h28. Arrêt des vidéos. Quelques mots échangés silencieusement entre la présidente et l’un des assesseurs.




Nouvelle sélection vidéo.

Plein écran en noir et blanc : une chambre (d’isolement ?), un retenu a priori allongé sur un lit (4). 5 secondes de visionnage.

Arrivée d’un journaliste de Libération dans le box de la presse.

8 vidéos en simultané. Dispositif : caméras 1 et 2 : des chambres (d’isolement ?), dans l’une on distingue un corps allongé sur un lit, dans l’autre le lit est vide (vidéos en noir et blanc).

Les 6 autres caméras filment le réfectoire, des couloirs et une sorte de hall.

Sortie de deux plaignants de la salle d’audience.

Il ne se passe rien sur les vidéos.

Là, scène cocasse dans la salle : un gendarme visiblement en poste dans le tribunal s’avance vers les bancs des plaignants et embrasse tendrement l’une des plaignantes. Celle-ci, peut-être émue par ce bisou furtif, quitte la salle. Comme quoi, le conflit gendarmerie/police est un lointain souvenir. Fin de la séquence « l’amour des forces de l’ordre au tribunal ».


Caméra 6 : possiblement un flic dans le couloir.

Passages de flics dans les couloirs.

Caméra 8 : flics dans les couloirs.

Caméra 7 : flics et retenus.

Arrêt de la sélection vidéo.



8 nouvelles vidéos en simultané. Caméras 1 à 4 : réfectoire. Caméras 5 à 8 : extérieur, grilles et bâtiment.

Il ne se passe rien.

Caméras 1 et 2 : quelques retenus près des tables du réfectoire.

Caméra 5 : 2 ou 3 retenus passent.

16h.

Caméra 7 : on voit des flics qui courent le long des grilles.

Caméra 4 : quelques retenus à l’extérieur.

Caméra 1 : un retenu dans le réfectoire.

Caméra 5 : des flics courent le long de la grille.

Caméra 6 : 2 poubelles sont déplacées près des grilles.

Caméra 2 : dégagement de fumée dans le réfectoire, en haut à droite de l’écran. Aucun retenu dans le champ.

Caméra 4 : des flics courent le long des grilles.

Caméras 5 et 7 : des flics courent à l’extérieur.


La présidente s’adresse très doucement au procureur qui se lève et se place quelques instants derrière la présidente et les deux assesseurs.



Changement de vidéos.

7 vidéos en simultané. Extérieur bâtiment et grilles.

Caméra 7 : mouvement de personnes le long du bâtiment.

Caméras 1 et 2 : rien le long des grilles filmées en grand angle.

Caméra 6 : petit attroupement (de retenus ?) le long du bâtiment.

Caméra 6 : l’angle de vision de la caméra n’est plus le même. Visiblement la caméra a été déplacée. Elle filmait auparavant le long du bâtiment, là on ne distingue plus que le sol et le bas d’un poteau.

Caméra 2 : caméra floue, une sorte de fluide à l’écran.

Caméra 3 : un flic à l’écran.

Caméra 6 : on voit que des matelas sont visiblement sortis du bâtiment. On ne distingue pas de visages puisque la caméra filme le sol.

Caméra 3 : allées et venues de flics.

Caméra 7 (qui filme depuis le lancement des vidéos le sol et le bas d’une porte, en plongée) : dégagement de fumée. Ecran brouillé. Aucune image de mise à feu.

Caméra 6 : flics qui courent.

Caméras 5 et 6 : sortie massive de retenus.

Arrêt du visionnage.

Audience suspendue.

Reprise.


17h.

La greffière ferme les vidéos sous scellés.

Le procureur, visiblement amusé : « Ah, les charmes des scellés ! »

La présidente : « Nous avons reconstitué les scellés. »

Audience levée.


Poursuite des débats, lundi à 14h. Pour les charmes de la justice.














(1) Je ne l’ai pas mentionné dans les comptes-rendus précédents, mais en effet un interprète est présent lors des audiences afin d’assister un ou des prévenu(s) du procès du CRA. Les prévenus n’étant pas là, l’interprète remet à plus tard son bilinguisme expert.

(2) Précisons que depuis le début du visionnage des bandes de vidéosurveillance -soit le lundi 1er février- , le dispositif de projection est quasiment toujours le même : 4 ou 7 vidéos (voire 8 – on le verra lors de cette audience) sont diffusées simultanément. Le « plein écran » (soit une vidéo à l’écran) dure généralement 2 ou 3 secondes.

(3) Format de projection inédit jusqu’alors pendant les audiences. On peut facilement imaginer qu’il est peu aisé de distinguer les détails quand 8 vidéos sont projetées simultanément. Les modalités de projection de ce qui constitue l’unique pièce à charge dans le dossier en disent long sur ce qui se joue…

(4) A noter qu’il s’agit de la première fois où l’on voit lors du visionnage l’intérieur d’une chambre. On peut imaginer qu’il s’agit d’une chambre d’isolement. Il n’y a visiblement qu’un lit.




NB : On peut aussi lire les excellents comptes-rendus de Migreurop.





mardi 2 février 2010

Tribunal des flagrants délires - Jour 5 Procès CRA Vincennes





Cinquième journée d’audience à la 16ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. 13h30. Entrée dans la salle d’audience. Quelques personnes présentes dans le public. Comme la veille, des affaires sont renvoyées. Succession de prévenus et d’avocats, trois minutes chrono par affaire.

Au fond de la salle, les avocats de la défense s’entretiennent avec le bâtonnier, le vice-bâtonnier et un célèbre pénaliste, paraît-il. 13h35, l’heure des conciliabules procéduraux entre avocats.

La présidente conseille à l’un des prévenus dont l’affaire est renvoyée à la fin mars de prendre un avocat -commis d’office ou choisi- « selon [sa] situation personnelle » (comprendre : selon les thunes dont il dispose).

13h40. La présidente annonce la reprise des audiences du procès du CRA. Les prévenus ne sont pas présents, les parties civiles installées sur les bancs du public.

Le vice-bâtonnier, sollicité par la défense, commence son intervention. « Si nous ne méconnaissons pas les aléas du tribunal (…), nous sommes émus de la situation et du déroulement du procès où il n’y a plus de prévenus, ni avocats ». (1) « Tout se passe comme si la justice devait passer à tout prix, même si ce prix est celui du silence. » Il explique que « le procès est fait pour la forme (…) les principaux intéressés ne sont pas présents ». Le vice-bâtonnier estime que le renvoi qui a été demandé par la défense « n’est pas une fantaisie, une commodité, une manière d’agresser le tribunal ». Il rappelle les « demandes réitérées, les incidents [qui] se succèdent aux incidents. » « Toute institution que nous soyons, quelques mouvements d’humeur peuvent nous agiter ». S’agissant du renvoi, il précise qu’ « un certain nombre de mesures d’instruction [qui] ont été demandées (par la défense) ont été refusées » et que « l’état de préparation (du dossier) est jugé insuffisant (par la défense) pour être jugé par le tribunal ».
Le vice-bâtonnier estime qu’il s’agit d’une « situation de paradoxe » : « d’un côté, il y a un refus des demandes » (il rappelle le « caractère incomplet » de l’instruction et les trois jours initialement prévus pour juger l’affaire) et « d’un autre côté, il est ordonné que l’audience se poursuive sur trois semaines » sans jugement. Le vice-bâtonnier rappelle que, selon l’article 461 du Code de procédure pénale, le prolongement d’une audience au-delà des limites initialement prévues doit se faire par jugement. Il mentionne que « la jonction au fond est la plupart du temps la règle » (2)

« Vous avez placé la défense d’un côté dans ce qu’elle demandait (le visionnage de l’intégralité des bandes de vidéosurveillance) et d’un autre côté dans une situation d’extrême difficulté pour assurer la mission de défense », dit le vice-bâtonnier au tribunal. Il estime que la notion de « procès équitable » - qui a été souvent évoqué par la défense- est « vague, abstraite, n’a pas de définition particulière » en droit. Il parle alors de « l’iniquité » lors de l’audience où « la défense ne peut matériellement assumer son rôle dans une situation bancale ». Selon le vice-bâtonnier, il ne s’agit pas d’une « procédure normale », celle-ci donnant « une image déplorable de l’action judiciaire ». Il rappelle que, la veille, la défense a quitté l’audience et insiste sur le fait que tout cela donne la sensation que « la justice doit passer ». Il évoque un « passage en force insignifiant ou au contraire très signifiant ». Selon lui, les « impératifs » d’une « vraie défense » n’ont pas été respectés.

Il revient sur « la problématique des agendas de chacun » (comprendre : les avocats de la défense). Selon le vice-bâtonnier, le passage de trois à neuf jours d’audience -répartis sur trois semaines- est « difficile à assumer, voire impossible » pour les avocats. « Aux yeux de [leur] ordre, le dossier n’ayant pas un caractère urgent -un rien de regard humoristique (3)- c’est plus difficile de envoyer une audience de neuf jours ». Il poursuit : « néanmoins il est impératif que ce procès ressemble à quelque chose – l’expression est peut-être un peu leste » (4)

Le vice-bâtonnier très en verve souhaite citer un proverbe visiblement britannique – et possiblement très énigmatique : « Il ne suffit pas que la justice soit juste, encore faut-il qu’elle en ait l’apparence » (5) Il parle d’ « une justice qui ait l’air juste » (6)

Il s’agit selon lui de « dépasser la réaction des hommes et des femmes » et de « prendre en compte l’œuvre de justice ». Il demande finalement : « Un procès équitable aura-t-il lieu ? » (7) Il précise qu’un renvoi permettrait de débattre dans des « conditions sereines » et de mettre fin aux critiques relatives au déroulement des audiences.

Fin de l’intervention.

Le procureur Flam (8) :

« Je n’ai pas d’observations à faire ».

Selon lui, le procès est « équitable », « les décisions du tribunal [étant] conformes à l’équité de justice ». Il rappelle que le tribunal a accédé à la demande de la défense relative au visionnage de l’intégralité des bandes – « qui est un élément essentiel de l’accusation ». Il poursuit : « Je n’ai pas observé de problèmes de procédure (…) les droits des prévenus ont été respectés. » Concernant la fixation du nouveau calendrier, le procureur précise que lors de l’annonce des dates d’audiences par la présidente : « [il a] dit que cela pouvait être difficile ». Il rappelle qu’il était présent quand le bâtonnier était intervenu (de façon informelle, lors du troisième jour d’audience) au sujet du nouveau calendrier « lors d’un échange » (9). « S’agissant de l’organisation des débats, je n’ai pas été choqué »

Il rappelle qu’ « une demande essentielle de la défense a été suivie ainsi que la continuation des audiences ». Selon lui, les demandes d’ordre procédural faites par la défense ne sont « pas conformes à l’esprit qui doit régner dans ce procès ». A propos du départ des avocats la veille : « Les intérêts des prévenus doivent être défendus, je suis attaché au contradictoire. » Selon lui, les avocats de la défense « n’ont pas pris en compte l’intérêt de leurs clients. » « La présence de leurs défenseurs est essentielle (…) je ne crois pas qu’il y ait iniquité. »


Intervention du vice-bâtonnier qui remarque qu’il n’est nulle part question dans le discours du procureur de l’article 461 du Code de procédure pénale sur lequel s’appuie la demande de renvoi formulée par la défense.

La présidente le coupe : « Le tribunal va répondre. »

Le vice-bâtonnier : « Je retiens que le procureur pense qu’il est essentiel que le conseil (les avocats) soit là (…) je représente le barreau, pour les parties civiles, il est tout aussi difficile d’avoir une audience qui passe de 3 jours à 3 semaines. »

La présidente : « Les avocats des parties civiles sont présents ! »

Elle poursuit : « Il n’y aura pas d’autres décisions d’autant plus que les débats ont commencé » (10) « Le tribunal poursuivra dans une logique, il suivra cette logique, avec ou sans les avocats, avec ou sans les prévenus. »

« Le procès continuera, les débats continueront. Le jugement (relatif à la fixation d’un nouveau calendrier) existe (…) il faut demander une copie dans le dossier. Personne n’a demandé le jugement. Je ne veux pas polémiquer ». La présidente relève les « incidents multiples [qui] gênent le débat et le tribunal. »

Intervention d’Henri Braun, l’un des avocats de la défense : « Le jugement a été demandé hier ».

La présidente : « Personne n’a demandé le jugement. »

L’une des avocates de la défense : « Quand est-ce que le jugement a été prononcé en audience publique ? »

Le vice-bâtonnier, après deux mots d’explication : « Je prends congé. »


Suspension de l’audience. 14h05

(11)

Reprise. 14h10

Il y a cinq personnes dans le public, un observateur judiciaire, quatre plaignants et les deux avocates des parties civiles.

Visionnage des CD 5 et 7 concernant le CRA 2. Plage horaire : 15h à 16h. Ouverture des scellés.

La présidente rappelle les chefs d’accusation -« incendie volontaire »- dont relèvent certains prévenus. Téléchargement des vidéos. Pendant ce temps, une journaliste du Canard Enchaîné a gagné le box prévu pour la presse.

Projection de 4 vidéos en simultané. On y voit des couloirs et l’entrée d’un couloir donnant visiblement sur l’extérieur.

7 vidéos en simultané. Toujours des couloirs du CRA 2, allées et venues de retenus.

Caméra entrée couloir. Rien.

7 vidéos en simultané. Allées et venues de retenus.

La présidente à demi-voix : « Le montage a été récupéré. Les bandes étaient endommagées. »

7 vidéos en simultané. Allées et venues de retenus.

Caméra entrée couloir.

7 vidéos en simultané.

Alternance de plans simples (une seule vidéo projetée) et multiples (plusieurs -en l’occurrence 7- vidéos projetées). Aucune explication.

Agitation dans les couloirs, on peut voir des mouvements de foule à l’écran.

On voit que des matelas sont visiblement sortis du bâtiment par des retenus. Rien d’autre.

7 vidéos en simultané. Les caméras 1 et 2 sur l’écran de projection du tribunal se brouillent.

Suspension de l’audience. 15h

Reprise. 15h11


La caméra 2 sur l’écran (qui en compte 7) ne fonctionne visiblement pas lors de l’enregistrement.

Caméra porte extérieure/couloir. On voit du feu derrière la porte, soit à l’extérieur visiblement du bâtiment. Puis on voit de la fumée dans le couloir. On voit des flics dans les couloirs.

Caméra couloir. Allées et venues de retenus.

Caméra 7. On voit au fond du couloir quelque chose de détruit par le feu dehors. Aucune image de mise à feu.

Téléchargement d’autres bandes vidéos.

« Audience suspendue deux minutes »

Rires entre l’avocate des plaignants et le procureur.

Reprise.

7 vidéos en simultané de l’extérieur. On voit des bâtiments, des grilles. Allées et venues de retenus. Sortie de nombreux retenus du bâtiment.

La présidente s’adresse doucement à la greffière qui est en charge de la diffusion des vidéos. Deux gendarmes, de dos au public, se penchent sur le « bureau » de la greffière.

La présidente et les deux assesseurs se lèvent et se retirent sans plus d’explication. Le procureur semble un peu étonné de la situation et se lève également. 15h50.

Cinq minutes après ce départ inexpliqué, la présidente, accompagnée des deux assesseurs : « L’audience est reprise. » (sans avoir au préalable annoncé la suspension). Elle annonce que demain « le visionnage se fera dans de meilleures conditions, pour que ça aille plus vite. »

L’horaire de l’audience prévue demain est inaudible.

L’audience est levée.















(1) Il faut rappeler, pour mieux saisir l’intervention d’un des représentants du barreau, que la demande présentée la veille par la défense en matière d’équité liée au renvoi des audiences n’a pas été suivie par le tribunal. D’où la présence du vice-bâtonnier pour des questions d’ordre procédural et la référence aux avocats de la défense qui ont quitté la salle la veille.

(2) Rappel : la veille, la présidente a décidé de « joindre l’incident au fond » et de poursuivre les débats (suite à quoi la défense s’est barrée). En d’autres termes, les questions de « forme » soulevées par la défense ne sont pas considérées en tant que telles par le siège.

(3) Comme quoi, le King bis des avocats peut être drôle dans sa mesure…

(4) En tout cas, il est parfois possible que le discours des avocats ressemble à quelque chose (!)

(5) Au choix : de belles boiseries, des robes amples, de la gravité dans l’œil et …rien ou une justice qui ne ressemble à rien et qui est un plus juste ? Donc, si la justice pouvait déjà commencer par être « juste », ce serait déjà pas mal. Cela dit, la formule est assez troublante.

(6) Là aussi, formule très équivoque. On peut comprendre -pourquoi pas ?- « allez les gars, faites un effort, jouez un peu votre rôle ». Le vice-bâtonnier n’exhorte peut-être pas le tribunal à être « juste » mais plus à être « vraisemblable » (la différence entre l’application véritable et vraisemblable du droit).

(7) Si c’est une référence à demi-mots à Giraudoux (La guerre de Troie n’aura pas lieu), ce serait assez malin.

(8) Dit « le capitaine ».

(9) Il est à noter à ce sujet que la « publicité des débats » supposée se heurte aux nombreux conciliabules auxquels participent les avocats, le siège et le procureur. Le mode « off » des débats est visiblement très prisé.

(10) Aucun lien logique entre les deux, je crois.

(11) Les « à-côté » d’un procès sont toujours délicieux. Par exemple, il existe parfois dans les tribunaux une catégorie de personnes qui ne sont ni le public, ni les avocats, ni les prévenus, ni les journalistes, ni les magistrats, ni les gendarmes, ni les livreurs de chez Fed-Ex. Ils sont là, généralement silencieux, on les imaginerait volontiers les yeux derrière deux trous découpés dans un journal daté de l’année dernière. Allez, un indic(e) ! « Qu’est-ce qu’un Code civil qui a oublié son code ? »