mercredi 30 décembre 2009

Panique au Tarnac Palace







Comme vous le savez peut-être l'avant-garde révolutionnaire "à la française" a accordé une entrevue à RMC, aux "Grandes Gueules" plus exactement.



Le détournement qui est :


lundi 21 décembre 2009

Etat civil




Jour de solstice, le soleil "s'arrête" selon l'étymologie latine, mais les sapins clignotent encore à l'accueil de la mairie. On devrait toujours choisir ses rendez-vous selon la position des astres, ça indique l'inclinaison de la rencontre.

Direction les "affaires sociales". Un ami voudrait obtenir des papiers, il a demandé l'accompagnement d'une assistante sociale. J'arrive avec une heure d'avance. Le temps d'observer correctement le hall de la mairie qui ressemble plus au lobby d'un Hilton qu'à un carrefour de rencontres communales. Ca donne dans la jardinerie de luxe avec cinquante sapins strassés, la cahute des "hôtesses d'accueil" transformée en chalet suisse - pour être raccord- avec bardeaux et flocons en PVC sur l'hygiaphone. Quelques restes de quatre-quarts qui s'emmerdent le marbré dans une assiette.

Entre les sapins, un gosse sort devant d'autres gosses une sorte de pulvérisateur. Il se vaporise du désherbant ou du Baygon jaune sous les aisselles. Il a dix ans, pas une phéromone qui pourrait s'échapper de la parka, mais imagine qu'avec un tel traitement il ne ramènera pas que des poux de sa colo. Pendant ce temps, nettement plus odorant peut-être, et plus vraiment en partance pour un centre de vacances, le "Bel âge" traverse le hall, en couple ou seul, des colis de la mairie sous le bras. Les bouteilles de pinard dessinées sur le paquet laissent peut-être espérer à cette mamie sortie pour l'occasion en mi-bas de laine et souliers d'été que le sirop d'orgeat qui se trouve en fait à l'intérieur a le goût d'un Bourgogne vieilli en fût d'hypotenseurs. Les cannes viennent chercher leur Hénaff de Noël et je vois dans les bas de la mamie le plaisir infini de ma grand-mère quand elle déballait devant ses petites-filles les pâtes de fruits qu'elle avait reçues de la mairie. La joie de mamie et les "charmantes attentions du maire" ré-emballées trois fois dans de l'alu, du silicone ou un abri anti-nucléaire, pour que le millionième grain de poussière qui traînait dans la baraque n'aille pas se glisser entre le sucre cristal et le colorant.
Les pâtes de fruits, mon grand-père, lui il en aurait bien fait des balises dans la Méditerranée, histoire de se repérer dans sa nage du matin. Mais la grand-mère, pour elle, c'était l'occasion de dire aux "petites" qu'elle leur avait aussi gardé des sacs Biotherm, Nivea, enfin tout ce qui peut encore ramollir un peu plus la peau des déjà ramollis. "Vous pourrez toujours y ranger des petites choses."

En parlant des morts -ou presque-, tandis que les colis de la mairie s'échappaient par la grande porte, il y avait ce type avec ses deux gosses qui demande à "la dame de l'accueil" s'il lui serait possible de voir "la plaque de guerre". "Celle de 14-18 ?" "Oui." "Euh, elle est au fond, là-bas, mais non, elle est cachée par les décorations de Noël." "Je peux quand même prendre une photo ?" Trouver le nom d'un bisaïeul derrière un ours polaire vainqueur dans un traîneau. Tu vois, c'est le nom de papy, là, derrière le lutin. Bordel, mourir pour rien et finir troisième plan d'une animation municipale. Si la résurrection a du mal à venir, on peut tout à fait espérer être achevé deux fois. Mon projet de crèche de Noël en playmobils est finalement très digne.

Allez, allez, c'est déjà Noël et les morts nous pardonneront bien qu'on les gave de glucose clignotant et de guirlandes communales.

Ce soir ce soir c'est Noël, les étoiles brillent dans le ciel, comme dirait Didier Wampas, et les assistantes sociales l'assombrissent.

Mon ami arrive, on checke le dossier de "régularisation" sur la banquette des "affaires sociales". L'assistante sociale émerge, deux trois pas vers son placard. Elle "suit" le dossier depuis quelque temps. La première question qu'elle avait posée à S. qui venait lui expliquer sa situation : "vous voulez des boîtes de thon ?" Il aurait eu un cancer, elle lui aurait proposé du maïs. Toujours pas compris le lien entre une demande de papiers et du poisson gras, il doit y en avoir un dans le social. Bon. Enième rencontre avec la demoiselle.
Elle redemande à S. quand il est arrivé en France. "92". "Ah oui j'avais oublié." De la considération. Toujours. Elle feuillette le dossier (qu'elle a autant monté que moi la Roche de Solutré). Cinquante pages de photocopies de passeport, de certificats certifiés conformes, de déballage de tout ; une sonde anale est toujours de mise pour l'obtention d'un titre de séjour. Elle : "Bon ben c'est bien mais il faudrait que vos amis, oui parce que je vois que vous avez un bon réseau, témoignent par écrit de votre parcours d'insertion en France." S. : "D'accord." Moi : "Euh, si les amis de S. doivent témoigner de son parcours d'insertion, une assistante sociale ne peut-elle pas témoigner également de ce parcours d'insertion ?" Un mollusque social me répond : "Euh, eh bien, là comme ça... Il faut que je demande à ma hiérarchie, je peux pas trop m'engager."

Ah non ! Ne surtout pas s'engager quand on s'appelle "assistante sociale". L'insertion, c'est joli comme tout, quand c'est pour proposer trois "Petit Navire" à un nègre. Bon, "les amis " vont témoigner de "l'insertion amicale" (sic) dudit nègre. En quittant le bureau, elle n'a pu réprimer un : "au fait, vous avez bien eu le colis de Noël de la mairie?" Dans ta face le Hénaff.


Les vieux, les jeunes, les noirs, les morts, à Noël, auront tous droit à leur ruban.

mardi 15 décembre 2009

jeudi 10 décembre 2009

En attendant le luxe





Vous connaissez le 6ème arrondissement ? Ses hordes de fils de pute (de luxe) qui trimballent à Assas leur Dalloz en Lancel, ses librairies où Jésus fait de la retape en vitrine, ses vieilles peaux pour qui le XIVème est déjà un quartier de prolos.

A défaut de présenter des armureries, le 6ème compte quelques boutiques où les rentiers traînent leur suffisance infusée dans une Gold. Qui dit boutiques dit petit personnel qui s'y affaire pour un SMIC. On t'ouvre la porte, on joue à "Shah perché". En gros, ici, la nuit du 4 août c'est une opération "fooding" dans un mas du Lubéron. Rien de plus.

Tu te rappelles de tes lointains ancêtres qui se planquaient derrière une tenture avant de ramener le faisan en croûte ? De gamète en gamète, leurs petits ont délaissé chausses et antichambres pour venir caler leurs gargouillements gastriques dans des espaces sans fenêtres puant le Shalimar et les révérences discrètes. Néanmoins, n'est pas laquais qui veut. Car, pour avoir l'insigne honneur de se taper une hernie discale à force de courbettes, il faut en passer par un recrutement de haut vol.

Avant, en entretien, tu entendais des conneries, seul. Maintenant, grâce aux avancées de la science de la sélection, tu entends des conneries, à plusieurs. Douze chômeurs autour d'une table. Des places de laquais "spécial fêtes" à gagner. Chacun s'est crée une contenance pour l'occasion et une grande écoute de l'autre. L'avantage de ce genre de petites sauteries, c'est qu'elles permettent au moins de se rendre compte que les pâtes de fruits des colis alimentaires ne sont pas très loin, que tu aies 22, 30 ou 55 ans ... Le MC/RH de la Maison est jeune, ni lent ni rapide dans son élocution, sérieux dans son dynamisme de connard.

Il présente les "possibilités d'emplois dans la maison" (du type qui passe huit heures par jour à emballer toutes les merdes de bourges qui finiront sous un sapin de Noël de bourge, à la "conciergerie" -une cahute où tu appelles 20 fois par jour un taxi parce que le bourge pourrait se niquer un cuticule en composant lui-même le numéro, en passant par les "expositions temporaires" où Marie-Alix rêve d'Inde dans un penthouse ...). Ces différents "challenges valorisants" te ramène un SMIC et un Weetabix.

Chacun se présente. Dix minutes, "pas plus". Sensation désagréable de participer à un déshabillage de la galère en direct live. Certains font de l'humour (regarde, je ferais rire les vendeuses), d'autres sont visiblement mal à l'aise (vivement que je me tire et que je me vide une barrique de sky). Une nana d'une cinquantaine d'années explique qu'elle s'est fait virer du BHV -elle dit pudiquement "oui, vous voyez, il y a eu une restructuration, j'étais vendeuse en salle de bain, j'ai vingt ans de maison". Et là voilà répondant à un trou duc' de 35 ans grand max' qui lui fait miroiter de l'onirisme en CDD.

Assez parlé. Test pratique. "On va voir si vous savez faire des papiers cadeaux." Des boîtes en carton estampillées bon goût, du papier à étoiles, des ciseaux, un rouleau de scotch, des faux ongles qui pourraient tout à fait se tirer dans l'espace avec ce genre d'excitation manuelle. L'exercice ne vise pas tant à démontrer à la face du monde que même pourvu d'un moignon, on peut légitimement penser que le candélabre rend bien dans son papier crépon, mais plus à tester la "coopération" entre les différents emballeurs. "Merci pour le scotch/ Oh mais de rien, merci pour ... (le coupe-papier que j'emballerais bien dans la jugulaire du "chargé de recrutement") " Niveau esthétique, on tape dans la légende "peint à la bouche par l'Académie aphasique de Paris". Du grand.

Après un passage par le cours d'art plastiques de la MJC, on nous a proposé une "simulation", un "jeu de rôles" sans puceaux ni Princesse Leia. Quand tu lis ton petit papier sur lequel est indiqué ton "rôle", tu oublies Electre et tu te dis que même Buster Keaton aurait eu du mal à tapoter son code de carte bleue dans un décor en moquette. "Ah, Clytemnestre, la carte ne passeu pas, ah hé bé, je vais la frotter contre ma cuisse d'enfer et attendre le soleil." Enfin, dans ce cas là, on était plus du côté de Georges Beller que du théâtre de Dyonisos.

Je suis entrée côté jardin, un lourd silence entourait mes pas, le choeur dans un bourdonnement a accompagné la demande que je fis aux dieux : "vous auriez pas la cravate Dior?" (toujours boire avant d'aller à un entretien).


Tel Estragon, je suis allée jusqu'au bord de la pente.

En attendant, je pourrais ouvrir la porte.



"Bienvenue chez Zola, monsieur Arnault."