jeudi 24 avril 2008

Sic(k) - Part I





On pense toujours que le flot de conneries traditionnelles auxquelles nous ont habitués les "détenteurs du monopole de la violence physique légitime" (ou ceux qui, en Marceau Armani, miment depuis leur circonscription tramplin, une lutte féroce pour la détention de ce monopole), on pense donc que ce flot ininterrompu connaîtra peut-être un jour, par chance, une suspension temporaire. Ce soir, il n'y eut aucune suspension, juste de quoi se rappeler que le régent lilliputien n'est toujours pas en phase terminale (1) mais poursuit avec panache sa "mission" de croque-mort élyséen.

Une entrevue avec le président donc. Quelques minutes avant le début de cette causerie retransmise notamment sur les principales chaînes de télévision libres et indépendantes, France Info qui s'est joint également à la diffusion de cet intermède comique a eu la bonne idée d'inviter sur son antenne un énième spécialiste de la communication politique : en gros, réjouissez-vous bande de crustacés ogéèmisés, l'Empereur "rentre dans le rang" (sic) puisqu'il initie un nouveau mode d'entretien politique : dorénavant, ce ne sont plus simplement deux journaleux qui lui tiendront le crachoir mais cinq à la queue-leu-leu. Fin de la rupture formelle.

20h01: un commentateur de la radio libre précise que cela fait "deux semaines que le président travaille cet entretien", qu'il "s'imprègne des fiches de ses collaborateurs", et qu'il réalise un "training" (sic) avec lesdites endives courtisanes qui s'ingénient à faire de toute contestation possible une simple "incompréhension" des réformes "nécessaires" en cours. Non seulement le président fait de terribles efforts préparatoires mais en plus il a invité la team journaliste dans la "salle des fêtes" du Palais. Et comme dans la République tout est finalement histoire de cirage, le commentateur précise, dans un troublant souci informatif, que le plancher qui accueille le prince et ses porte-micros est en fait un "sol design" (sic). La cire d'abeille comme introduction à l'analyse politique qui n'a pas peur de rayer le plancher, elle.


Acte I


20h15: la voix de David Pujadas ouvre le bal muselé. Il est question de la "culture du résultat" du präsident. "La France était un peu endormie depuis 25 ans (...) avant, le pays était en première division (sic)" et maintenant elle rame dans un sous championnat picard en gros, la personne de petite taille dixit. (2) Sur le mode bilan après un an de grand n'importe quoi qui en fait est plus que formidable, N.S. explique qu'il veut toujours "réhabiliter le travail", agir pour ses "compatriotes" qu'il veut "protéger". La preuve, il poursuit sur l'instauration de la franchise médicale, qui, selon lui, "bouscule les conservatismes". Un conservateur, c'est à l'entendre, un connard qui a pas envie de s'endetter pour se faire changer sa perf'. Toujours dans le domaine protégeons les plus faibles dans des dispensaires, le discours de légitimation de la franchise médicale est assez grandiose. En gros, dès que le sieur Sarkozy est dans une posture assez minable (ce qui arrive assez souvent), il va chercher loin dans ce qui fait la grandeur de tout être humain, à savoir le recours systématique au pathos.
La franchise médicale? Un potluck pour les grabataires alzheimerisés et les gentils "cancéreux en phase terminale, les malheureux" (sic). Les pauvres qui contestent sont des sans coeur quoi.

Quand il s'agit de discours de légitimation de lois iniques sur le mode pathos à fond les manettes, N.S. en rajoute généralement une couche avec le traditionnel "si les Français n'ont pas apprécié..." "c'est parce que nous n'avons pas assez expliqué les réformes" (sic). Evidemment, en filigrane "si vous êtes dans la rue c'est parce que (roulement de tambour) vous n'avez pas compris". Le grand classique des grèves de 95 sous Juppé et plus généralement de tous les discours post contestation produits par les élus du peuple. Faisons preuve de pé-da-go-gie. Nous savons ce qui est juste pour vous, mais cons comme vous êtes, vous ne le savez pas encore. Sarkozy, président maïeutique.

Donc, pour résumer le bilan, vive le travail, vive le pathos et surtout vive moi, because être président, c'est "une des fonctions les plus difficiles" (surtout quand on a augmenté son salaire de 140% dès son arrivée au Palais.)

Le sieur Pujadas se risque à poser une question sur le "théâtre médiatique" qui entoure (que crée?) der Präsident, ce à quoi l'intéressé répond : "il faut toujours être à l'écoute" (d'Europe 1 ?) (3) Toujours être à l'écoute des chômeurs par exemple qui visiblement seraient de moins en moins nombreux en France puisque toujours selon l'écouteur de l'Elysée, il y aurait 200 000 chômeurs de moins. Ce qui est toujours fabuleux avec le discours chiffré, c'est qu'il permet à son producteur de raconter à peu près n'importe quoi sur n'importe quel sujet. On peut remarquer quand même que N.S. ne s'est pas trop mouillé non plus en disant cela, puisque, en effet, 200 000 chômeurs "en moins", ce ne sont pas 200 000 personnes qui ont retrouvé un emploi. Dans un moment de lucidité, l'imposteur parvient toujours à fixer des limites à ses petites duperies. Pas trop grosses, jouable. Car, si le président s'y connaît bien en matière de radiations (cf. (1) ), il en est d'autres qu'il se garde bien d'évoquer, notamment quand elles prennent place non pas au pavillon des métastases de Villejuif mais aux Assedic de partout ailleurs.

Quasi fin de l'introduction sur sol design. Pujadas demande en toute candeur si Nico a "changé". Réponse autour de la "fonction présidentielle" sur le mode de la pseudo affliction maîtrisée : "c'est une charge si lourde"...et étaye ses propos de forçat en Rolex grâce à la croisière qui s'est amusée un jour pas très loin de la marina de Mogadiscio : le Capitaine Stubbing (4) kidnappé par des "pirates" somaliens en sweat Nike lui fait dire qu'il "avai(t) sur (s)es épaules des otages". Notons qu'il n'est pas le premier à capitaliser sur la Corne d'Afrique. Transubstantiation du riz en otage.










(1) A la différence de ces "malheureux cancéreux en phase t..." (sic) - N.S. dixit- qui, à défaut de faire gagner "un point de croissance" à la patrie because coincés quelque part entre les cathéters et les étoiles filantes gamma, permettent au moins au monarque de justifier l'instauration de la franchise médicale. Un cancéreux peut être et sondé et instrumentalisé. La science (politique) avance.

(2) Le président ayant développé tout au long de cet entretien un discours dont le pathos n'a d'égal que sa propension manifeste pour le plaqué or et le travail libérateur, je me permets de faire preuve moi-aussi d'un peu de pudeur et de respect mielleux pour sa personne aux proportions des plus intéressantes.

(3) Quand Elkabbach taquine le prompteur pour annoncer la mort de l'ex grimpeur fanfaron de la Roche de Solutré passé grand admirateur de l'ère sarkozyste. Oui, Pascal Sevran is born to be (still) alive.

(4) Rappelez-vous, ce grand chauve en short blanc cassé qui déambulait dans les années 80 sur le pont en teck plastique d'un paquebot hollywoodien...

vendredi 11 avril 2008

De l'éthylo-solubilité du porc?







"Ces policiers noyés sous la pression : Santé : Près de Tours, un centre accueille les gardiens de la paix alcoolo-dépendants." (1) Article paru aujourd'hui dans le très combatif "Libération" sous la plume affûtée aux onguents d'un énième maquisard du XIème qui nous révèle l'existence d'un centre de traitement pour uniformes cirrhotiques.

First, on pourra s'étonner de l'omission du point d'exclamation après le mot "santé" introduisant le sous-titre de cet article des plus délicieux en matière de pathos policier. Et puisqu'il est de rigueur de citer les "bonnes feuilles" des bouquins, je propose de citer les joyeux substrats merdiques publiés dans la presse quotidienne:

"Désormais, on compte en nuitées , explique Chantal Mézière, la directrice. L’an dernier, nous avons réalisé 20 400 nuitées, soit un taux d’occupation proche de 100 %. Nous sommes en train d’étudier la possibilité d’augmenter la capacité d’accueil, car nous ne pouvons pas satisfaire à toutes les demandes.»

Puisque la France, pays de branques situé quelque part entre le néant et le vide, connaît une décélération de son activité économique et que la police se spécialise dans la cirrhose, pourquoi ne pas suggérer la création d'une nouvelle niche dans l'industrie du tourisme post-viticole? Les hôteliers bretons qui nous les cassent quand les "Aoûtiens" préfèrent aux embruns de Kernéant les chouchous d'une plage sudiste aux effluves Garnier, devraient relire avec attention les articles de Libé: investissez dans le flic, à la différence du soleil qui ne se lèvera peut-être pas demain, l'alcoolisme dans les fourgons sera toujours fidèle au poste. Et toujours à propos du "taux d'occupation" exceptionnel révélé par la directrice sommelière, il y en a un qui lui ne connaît aucun changement, ni amélioration, c'est celui de l'autre château en ruines dans lequel officient les supposés dépressifs des services de l'ordre. (2) Avis à tous les casse-couilles alcoolo: oubliez l'histologie, entrez dans la confrérie des bouilleurs de cru bleu horizon.


"Après deux semaines au château et une semaine de sevrage à l’hôpital, Patrick retrouve ses repères et «un peu d’humanité.»

Doit-on comprendre que le stage "police/sevrage 2008" comprend des activités de plein air de type "tir à l'arc pour retrouver tes repères" ? Les repères, ce sont pour les CRS les S.O. des partenaires sociaux. Bernard Thibault a délaissé le stand merguez pour repeindre la cible. Entre brassards, on balise l'espace. S'agissant du peu d'humanité retrouvé dans l'aile droite de la bâtisse, les concierges ont dû laisser traîner un coin de journal pour permettre aux pensionnaires d'astiquer leurs rangeos.


"La cirrhose est une maladie chronique du foie dans laquelle l'architecture hépatique est bouleversée de manière diffuse par une destruction des cellules du foie (hépatocytes), suivie de lésions de fibrose alternant avec des plages de régénération cellulaire qui ne respectent plus l'organisation initiale lobulaire." (3)

Puisqu'il est question d'alcoolisme et de l' "architecture hépatique" bouleversée des gardiens de la "paix", pourriez-vous de grâce chers futurs macchabées humanistes ne plus accorder le privilège de vos viscères rosées aux rougeauds matraqueurs sur liste d'attente? (4)

Bien que l'article de Libé ne soit pas un sommet de sarcasmes à l'encontre de ceux qui forment généralement des cordons qui réussiront peut-être un jour à les asphyxier, c'est quand même l'une des rares (trop) rares fois où l'on entend simplement parler d'alcoolisme patenté chez les flics. Etrangement, quand un communicant de Libé ou autres prend son Vélib' pour s'encanailler le Pashmina en manif', le compte-rendu est toujours le même: des sauvageons picolent (5) et c'est bien fait pour leur gueule de se la faire éclater par des flics biens qui ne font que leur boulot, quoâ. Pour une fois que les communicants substituent à leur intérêt des caves périphériques les caves des commissariats centraux... Champagne. (6)

Puisque Libé a la décence d'aborder la très pénible question des noyades affectives parmi les flics, il y en a d'autres, moins situées dans l'affect, plus profondément inscrites dans la vase, qu'on ne traite pas dans des châteaux tourangeaux.

Bavure:


"1. TECHN. Trace, saillie que les joints d'un moule laissent sur l'objet moulé.
2. COUR. Trace d'encre empâtant une écriture, un dessin, une épreuve d'imprimerie.
3. Erreur pratique, abus ayant des conséquences fâcheuses. "Bavure policière. Il y a eu quelques bavures dans cette affaire".

On remarquera le bel effort d'euphémisation réalisé par les rédacteurs du Bob illustré quand il s'agit de fournir quelques exemples à la troisième signification officielle du substantif "bavure". Des "conséquences fâcheuses?" La BAC 94 doit lire finalement, elle doit circonscrire son intérêt pour la lecture terminologique aux illustrations guillerettes du Bob.


Une bavure, c'est une tache de pastis sur un uniforme. Ethylo-soluble. Comme les Maliens dans la Marne au printemps.


Je suis en état d'ébriété, vous êtes en état d'arrestation.











(1) http://www.liberation.fr/actualite/societe/320575.FR.php

(2) Taux d'occupation des prisons françaises (bien supérieur à 100% lui) disponible sur le site de l'Observatoire international des prisons :
http://www.oip.org/le-systeme-penitentiaire/politique-penitentiaire/politique-penitentiaire-rapport-2005.html

(3) Source: Wikipédia.

(4) Bien que l'on fasse par ici bien plus souvent don de son corps à la police qu'à la science.

(5) Oublié le journal (Le Monde ou Libé) dans lequel cet article est paru il y a quelques semaines, une seule chose dont mon lobe droit parvient à se souvenir: les bières avaient été "préalablement vidées" (sic) par les manifestants.

(6) A propos de la communication "interactive" choisie par Libération sur son site web, je note que le commentaire que j'ai tenté de laisser à la suite dudit article a été refusé par le "modérateur" de la tribune libre. Bizarrement, les commentaires qui ont été autorisés sont une sorte de long râle en l'hommage de ces malheureux qui, à en lire certains, ont été enrôlés de force dans les brigades spéciales. Un p'tit commentaire pour la route d'une "citoyenne" (sic) virtuose dans le pathos fliqué: "méconnaissance: Ce n'est pas de l'indifférence dont sont victimes ces policiers, c'est de la méconnaissance. Un jour viendra où le stress du métier de policier sera reconnu comme une cause de souffrance, qui se manifeste par l'alcoolisme ou par d'autres symptomes selon les personnes, ce jour là, il y aura des procédure d'encadrement psychologique digne de ce nom et les policiers seront moins exposés à cette souffrance (...)"

Libération, ton style incisif, tes prises de position ô combien courageuses dans ce monde farceur. Libération, je t'en prie, censure-nous encore à coup de glucose barbelé.

dimanche 6 avril 2008

Hortefeux-de-camps (de "rétention") dans un univers (de merde) en expansion






Olivier a un peu grossi. Il remonte le trottoir, avenue des Gobelins, "encapuchonné", accompagné de deux-trois léoniens.

Place d'Italie, 14 heures, samedi 5 avril.

Point de rencontre pour la manifestation contre les expulsions, les rafles, tout ce qui peut incarner le "droit-de-l'hommisme" le Nain dixit. Sur place, à peu près personne, hormis les partenaires très sociaux de Laurence Parisot : la CGT (et ses jolis drapeaux) s'agitent dans un coin, RESF sur un autre coin de la place d'It', la FASTI (Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés), Droits devant, la LCR et le PC frétillent à côté. La CNT a sorti ses traditionnels drapeaux bicolores, les autonomes ont investi dans le monochrome.

Place d'Italie, avenue des Gobelins.

L'immondice hissée sur le truck de la CGT est dégonflée quand l'animateur de son toit aperçoit, elle-aussi hissée, une banderole plus autonome, entre deux arbres de l'avenue. Quelques fumis indiquent l'obstacle aérien, mais les MC de la CGT parviennent à faire passer le combi-corbi' ; l'air du boudin plastiqué cégétiste est expurgé, faut dire qu'en matière de dégonflage, on s'y connaît à la CGT.


Rue Claude Bernard.

Entrée dans le 5ème arrondissement, ses façades lissées, ses écoles illustres où se reproduisent les grands hommes. Moins illustres et plus susceptibles d'irriter la patrie (non) reconnaissante, des autonomes sortent une bannière "destruction des centres de rétention"; ça dépote un peu plus que les formulations très courtoises généralement refourguées dans les manifs. Certes, nous sommes tous des enfants d'immigrés, il n'empêche que ce n'est pas le dévoilement de nos origines encadré par deux C-15 de la section Maine-et-Loire de la CGT qui changera grand chose aux politiques d'expulsions. La bienséance, voie royale du changement social.

C'est ce que devait également penser le postman évoqué plus haut. Il gambade gaiement sur le trottoir de l'avenue, à la recherche du temps que perdra peut-être (ou pas) son service d'ordre quand des non encartés auront la bonne idée de les doubler. Once again, le trotskysme bouffi, à contre-sens de la rue et de l'Histoire.

Rue d'Assas.

Rue parisienne longeant le Luxembourg où l'on apprend aux jeunes générations (d'héritiers méchés) le droit. Un caricaturiste de la bourgeoisie française pourrait y connaître les affres du priapisme observationnel. La droite française y fait son droit, la jeunesse rance y fait ses classes. Puisqu'il est question de "séparer le bon grain de l'ivraie" en matière d'identité nationale et que l'Institut Catholique est un haut lieu de désobéissance civile, les fumigènes allumés dans la rue par tous ceux qui ont eu la bonne idée de s'exclure de toute forme d'organisation "crédible et familiale" emplissent l'air et la rue, les "libérez nos camarades" leur font écho. Le seul rouge qui vaille (en manif et ailleurs), exception faite de l'aspect liquoreux de la chose, c'est bien les tubes à étincelles qui, hors des mains des footballeux-friendly, peuvent faire de la très ténesmique rue d'Assas une joyeuse maison close.


Angle boulevard Raspail, rue de Sèvres.

Loin, très loin du tintinnabulement des clochettes d'argent, le craquement sourd des fenêtres fracassées. Le modèle Porsche décapotable (toit fermé, toutes fenêtres ouvertes) stationné devant le Lutétia apparaît grâce ses concepteurs qui ont substitué au Rotring le burin.

Vous connaissez la théorie de l'expansion de l'univers? Les galaxies s'éloignent les unes des autres. Par extension, les connexions synaptiques se dilatent dans un ordre de grandeur qui est inversement proportionnel du nombre d'entrées "légales" sur le sol français. "Du point de vue observationnel l'expansion se traduit par une augmentation de la longueur d'onde de la lumière dans le spectre des galaxies : c'est le décalage vers le rouge." (1) Exact. Boulevard Raspail, un peu plus au Nord de la rue de Sèvres, les gaz utilisés par le service d'ordre de la LCR contre des autonomes qui tentaient de les dépasser connaissent également une réelle expansion.


............


Post-dispersion à l'angle du boulevard Raspail et de la rue de Grenelle. (2)


A propos des échanges sur Indymedia relatifs aux "heurts" entre le service d'ordre de la LCR et les autonomes: à en lire certains, si la Marne est peuplée de poissons tout aussi morts que les Maliens qu'on y trouve en période printanière, c'est parce que les Black blocs ont infiltré le poste de contrôle des écluses. Breaking news: les black blocs sont aussi responsables de l'encadrement on board des sans-papiers sur les vols France/Afrique.







(1) Source: Wikipédia.

(2) En remontant le boulevard Raspail, outre les CRS qui se déploient "pour sécuriser le quartier" (sic- lancé place Le Corbusier par un sous-chef puant le pastaga et la crétinerie mêlés), un fourgon d'I-Télé. Sorte de néo-combi en mieux qui a connu quelques travaux d'aménagement: inclusion de fenêtres à viseurs. Puisque le journalisme à la française est fondamentalement combatif et qu'il est une douloureuse (et permanente) remise en cause du pouvoir politique en place, certains ont dû estimer qu'il serait juste de mettre en conformité la tôle et le fond: l'objektiv-mobile fut agrémentée de quelques meurtrières.




Sculpture "inaugurale" d' Alain Vuillemet, intitulée "Trou noir" (nécessaire dans un univers gazé/barré de rouge léonien)

mercredi 2 avril 2008

De la solidarité dans les trains (d'atterrissage)

Le regroupement familial très en vogue à Berlin





Ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Quand on présentera les consignes de sécurité sur le vol Paris/Tiers-Monde, doit-on, en qualité de passager spécial invité par le ministère sur son compte Miles Air France Frequence Plus, se boucher les oreilles avec de la mie de pain histoire de ne pas savoir où se trouvent les issues de secours? A quoi bon lire (i.e. apercevoir de loin le fascicule planqué dans le filet entre les jambes entravées et le dos plaqué au siège 2F -allée centrale- par deux accompagnateurs en uniformes bleu marine) ce qui de toutes façons ne servira pas franchement à grand chose? En vol, pas la peine d'écouter la merde hollywoodienne pour se divertir, il suffira d'essayer d'enfiler le gilet de sauvetage "situé sous votre siège", les poignets délicatement glissés dans des anneaux métalliques. En cas de dépressurisation de l'appareil, on pourra considérer que l'étouffement sera équitablement partagé.


Le tour-opérateur situé au 101, rue de Grenelle, ne fait plus dans le "co-développement", mais a décidé d'investir depuis peu dans le "développement solidaire". Le co-développement, c'était le renforcement du trafic sur le couloir aérien Paris/Barbarland.

Le développement solidaire, c'est la possibilité pour les sous-produits du colonialisme de voyager aux frais de la princesse Hortefeux dans une soute à bagages ventilée. La solidarité entre les peuples, la rencontre entre deux turbulences des exploités et de leurs exploiteurs, la possibilité de se soustraire au "check in" réglementaire. Un gain de temps à la porte d'embarquement, de la rationalité dans le transport aérien.

L'association internationale du transport aérien (IATA pour les Brits) a omis de mentionner dans son rapport d'activité annuel la définition qui suit du Robert et du Brice associés: "solidaire": "(4) Se dit de pièces liées dans un même mouvement par contact direct, par engrenage ou par intermédiaire." That's damn right, Sir. Le contact est direct, très direct entre le crew Air Identität NaZionale et ses passagers involontaires; dans le sens Reste-du-Monde/Paris, le nègre sert à la transmission du mouvement de rotation dans les trains d'atterrissage. Il participe lui aussi au développement solidaire de la planète.

Le grand théoricien de la solidarité internationale a publié il y a quelque temps un ouvrage intitulé "Jardin à la française, plaidoyer pour une République de proximité". Quand on sait que "le jardin à la française ou jardin classique est un jardin à ambition esthétique et symbolique. (qu') il porte à son apogée l'art de corriger la nature pour y imposer la symétrie (et qu') il exprime le désir d'exalter dans le végétal le triomphe de l'ordre sur le désordre, de la culture sur la nature sauvage, du réfléchi sur le spontané." et que la proximité, c'est en gros le rapprochement entre deux flics et un sans-papier, on peut imaginer facilement la dose d'humanisme vibrant contenue dans ces pages.

Le triomphe de la culture sur la nature sauvage, le triomphe des ceintures de sécurité sur les vols France/Afrique. Captain Hortefeux (de-joie-à-Roissy) speaking.


Welcome on board, restons solidaires.

Encadrement de la braderie






S'il y a encore une chose pour laquelle il faudrait activement militer aujourd'hui, c'est bien la création de zones de hurlements.


Ce qui est fabuleux, c'est cette capacité à organiser le néant, à le quadriller méthodiquement, à essayer d'établir des listes du rien. Dans le vide absolu, c'est-à-dire dans le laps de temps traditionnellement travaillé par tous ceux qui ont la "chance" de pouvoir pointer tous les matins (et tous les soirs), développer ce talent propre au loser tendance easy culpabilisation/autoflagellation à circonscrire le rien pour avoir toutefois la sensation d' "avoir fait quelque chose".

"Le bonheur ne dépend que de soi". En gros, la vie est merdique, contingente de la grenouillère aux housses capitonnées, mais ce qui dépend de nous, c'est, dans la plus pure tradition stoïcienne, les "affects" que nous pouvons apposer à ces diverses (non) situations. Les deux jambes sectionnées, il hésita longuement entre une inscription aux jeux paralympiques dans la catégorie "saut à la perche en fauteuil" ou s'empaler sur son déambulateur en acier dépoli. Eh, Maurice, tu n'es pas "handicapé", tu es "handicapable" au bonheur. Théories fumeuses mais qui permettent à à peu près tout le monde de ne pas se remplir pour Noël une hotte de barbituriques.

Le libre-arbitre étant aussi effectif que la joie dans la bourgade de Treblinka en période hivernale, on peut facilement comprendre que le petit jeu de la liberté que nous jouons en permanence à nous-mêmes est complètement vain. Non pas qu'il faille obéir, mais simplement reconnaître qu'en dernier ressort, le pouvoir de décision que nous croyons détenir est aussi creux que la coquille d'une larve en mode régression active. La surlarve Parisot (Laurence) élue à la suite du Baron de mes deux par un conclave où l'échange de bons procédés prévaut entre exploiteurs de choix, avait un jour déclaré que, finalement, la précarité dans le "monde du travail" n'était que la suite logique, ou le simple décalque, de la précarité globale qui pouvait exister pour à peu près 98% des gueux (1). Votre vie est misérable, incluant dans le désordre les "activités" intellectuelles et affectives, ne vous étonnez pas mes braves du continuum que nous nous efforçons de maintenir, entre votre (non) vie personnelle et celle beaucoup plus lucrative (pour nous) qui s'appelle le travail.

Le travail n'est plus alors qu'un épiphénomène d'une merde globalisée. Grâce à Parisot et consorts, au moins aurez-vous le privilège exquis de ne pas être étonnés. Après vous être vendus dans les règles de l'art auprès d'un énième sous-fifre des "RH", on parlera sur un fauteuil Habitat des ruptures et autres incongruités qui jalonnent votre parcours. "Qu'attendez-vous de cet emploi?" "Des thunes pour investir dans les pierres".



Hors de la coquille, les conpromis.






(1) « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? », Laurence Parisot, Le Figaro, 30 août 2005.