lundi 8 février 2010

Tribunal des flagrants délires - Jour 7 Procès CRA Vincennes



Justifier
Lundi 8 février. Septième jour d’audience à la 16ème chambre du tribunal correctionnel de Paris. Audience prévue à 14h. 13h30, des affaires doivent être renvoyées avant que les débats commencent. Le gendarme à l’entrée de la salle filtre les entrées, demandant si l’on doit comparaître. Si la réponse est négative, on ne peut pas entrer. Dix minutes après, la porte s’ouvre. « Dossier n°11 » annonce la présidente Dutartre. Un prévenu comparaît détenu, un gendarme derrière lui dans le box. Prises de parole de la présidente et du procureur, marmonnant.

Audience suspendue. Discussion entre une journaliste et le procureur séparés par la cloison en bois fixant la limite entre le box de la presse et le ministère public.

Arrivée de l’avocate des plaignants. Ils sont trois pour le moment.

Reprise. La présidente prononce le maintien en détention du prévenu dans l’attente de son procès renvoyé au 31 mars.

« Nous allons reprendre notre affaire », lance la présidente à propos du CRA.

A propos de « leur » (?) affaire, et histoire d’avoir quelques repères dans cette (très longue) audience, celle-ci peut être résumée de la manière suivante :



1) Rappel du « contexte »

2) Pour chaque prévenu (retenus au CRA 2 et au CRA 1), sont présentés par la présidente :
- les chefs d’accusation dont ils relèvent (dégradations et/ou dégradations par incendie et/ou violences volontaires sur des fonctionnaires de police)
- l’ensemble de leurs déclarations au sujet de l’affaire : en garde à vue, lors de leurs auditions successives avec le juge d’instruction, lors du visionnage des bandes vidéos avec leurs avocats, lors de la confrontation avec les plaignants (les flics du CRA).
- la description des photos sur lesquelles ils figurent (« l’album photos » qui est en fait une série de captures d’écran des bandes de vidéosurveillance).
-leurs réponses quant à la question de leurs conditions de rétention
- vérification éventuelle de déclarations de certains prévenus auprès des services médicaux du CRA notamment.

3) Lecture des dépositions des fonctionnaires de police

4) Lecture d’une audition d’un retenu (à charge contre les prévenus)

5) Lecture d’ « éléments de personnalité » des prévenus, soit le détail de leur éventuel casier judiciaire

6) Auditions de 3 plaignants



Voilà en gros pour l’architecture générale des débats d’aujourd’hui. Et ils furent longs, très longs, et entrecoupés de moments assez rock’n’roll/trash, notamment du côté des auteurs du bisou fougueux de mercredi dernier. (1)



1) Le « contexte » précisé par la présidente :

« Le 21 juin 2008, un retenu, Salem Souli, décédait dans sa chambre n°11 des suites d’un syndrome d’asphyxie liée à une détresse respiratoire (…) selon le rapport d’autopsie diligenté par le procureur. »

S’ensuivirent des « émeutes au cours de l’après-midi », puis « le 22 juin 2008, de nouvelles émeutes suite à une marche silencieuse organisée par des retenus ». Emeutes « liées à ce décès d’un compatriote tunisien ». Au cours de celles-ci, des retenus « s’affrontaient avec les forces de police au CRA 1 et au CRA 2 partiellement détruit suite à différents incendies, à partir de matelas dans la cour des CRA 1 et 2 et dans certaines chambres ».

Il y a eu également des « dégradations par un certain nombre de retenus, des bris de vitres (…) ».

« Des policiers ont été chargés de diligenter une enquête. »

« Le dimanche 22 juin, le procureur se rendait sur place (…) Le constat de l’enquête a montré que dans le CRA 1, le bâtiment E avait été dégradé, le mobilier des chambres avait été dégradé, des cabines téléphoniques avaient été rendues inutilisables. Le bâtiment D a été ravagé par les flammes et la toiture s’est effondrée. »

« Dans le CRA 2, le bâtiment C a été largement détruit, selon l’enquête des enquêteurs (sic). A l’extérieur, un amoncellement de matelas a été découvert devant les portes 2 et 9. On a trouvé des traces de combustion. Suite à l’incendie et aux fumées toxiques, il y a eu 18 à 20 victimes, dont certaines ont été conduites à l’hôpital. » (…)

Selon le rapport du Laboratoire de la police scientifique de Paris, requis par le procureur, « il y a eu mise à feu délibérée grâce à des briquets et des allumettes (…) Aucune trace de liquide inflammable. Un accélérant de combustion n’était pas indispensable pour entraîner de tels dégâts. Il y a eu 4 départs de feu volontaires, des incendies délibérés, plusieurs départs de feu. »

« Il n’y avait aucune communication entre les deux bâtiments, d’où des départs de feu volontaires. »

« Les chambres d’où le feu est parti : chambres 12, 24 et 27 dans le CRA 1, la salle de détente n°2 du CRA 2 et le gymnase – ce qui n’est pas reproché aux prévenus – (sic) où les retenus ont été évacués. »

« Selon les enquêteurs, les bâtiments 1 et 2 étaient équipés de bandes de vidéosurveillance. Il a été plus facile d’exploiter les bandes du CRA 1 car elles n’ont pas été touchées par l’incendie, elles ont donc pu être visionnées dans leur intégralité. S’agissant du CRA 2, un certain nombre de caméras ont été touchées par la suie. Les policiers devaient extraire les vidéos et les exploiter après un montage – montage réalisé en fonction de l’état des bandes vidéo. »

« Différentes scènes qui ont été utiles à l’enquête : les dégradations des bâtiments, les allées et venues de retenus en train de déplacer des matelas, l’extérieur et l’intérieur, la fumée dans les chambres était intéressante pour impliquer ou non des retenus. »

« Un certain nombre de retenus sont impliqués dans des jets de projectiles voire de crachats vis-à-vis des policiers. »

Fin de la présentation du contexte par la présidente.

Elle précise qu’il existe un album photos pour chaque prévenu. Elle explique qu’un certain nombre de prévenus ont été déférés devant un juge d’instruction, trois sous mandats d’arrêt (2), un qui n’a pas été poursuivi, un qui a été « témoin assisté » puisqu’ « il avait tenté de calmer la situation (…) il avait eu un comportement d’apaisement », « dix ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel. »

La présidente poursuit : « Nous allons évoquer chaque situation de prévenus (sic) ».




(Le détail des débats sera retranscrit le plus rapidement possible).






EDIT mardi 9 février, 10h : où il sera question lors de cette audience (qui a nécessité une trentaine de pages de notes entre 14h et 18h) d'un livre placé devant une caméra par un prévenu, de consommation de Subutex, de Valium par d'autres prévenus, d'une tentative de suicide d'un prévenu à l'aide de lames de rasoir avalées avec du shampooing, de grève de la faim, d' "angoisse et de stress" chez une plaignante, de manifestants extérieurs qui auraient incité à la révolte au CRA, d'une personne dans le public qui se fait sortir et confisquer son enregistreur portable et d'une menace de huis-clos par la présidente, d'autres qui se font sortir pour de supposés chuchotements, d'un flic qui s'est "blessé au genou...tout seul" et de retenus au CRA qui selon l'une des plaignantes "[font] [leur] vie, [leur] train-train, ils n'en font qu'à leur tête."

Dans le même genre, par la même plaignante lors de son audition le 8 février : (avec les retenus au CRA) "on essaie d'avoir -comment ça s'appelle ?- de dialoguer (sic)". "Ils [les retenus] étaient porteurs de briquets, ils les cachaient. Ils ont le don de pouvoir cacher des choses." "Ces gens-là [les retenus], ils ont des responsabilités, qu'ils les assument."

Tant de considération pour les retenus ne peut laisser indifférent. A relire l'audition de cette plaignante, on se dit que finalement ces sous-merdes de marabous sous psychotropes n'ont que ce qu'ils méritent. Non ?

Reprise des cours d'humanisme dans ta face aujourd'hui à 14h.









(1) Faites l’amour, pas des dépositions. Où l’on verra que la plaignante et le gendarme impliqués dans ce haut fait de coopération interprofessionnelle (dit « le rapprochement des corps de police et de gendarmerie ») ne sont plus tout amour en matière de dépositions et de gestion du public. (cf. épisode précédent sur « l’amour des forces de l’ordre au tribunal »)

(2) Un a été effectivement arrêté. Il s’agit du prévenu qui comparaissait détenu lors des deux premières journées d’audience. A l’issue de la troisième, il a obtenu une libération conditionnelle.

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