lundi 13 avril 2009

On n'oublie pas sa cravate de rechange.





Nous avons entrevu jeudi 9 avril le douloureux travail de pé-da-go-gie que doivent entreprendre nos élites économiques auprès des petits-qui-les-prennent-en-otages, grâce à l'entremise du sémillant Libération (-du-Capital). Le même jour, le Figarô allait promener ses feutres et ses recorders chez un autre expert en "mutations d'entreprise" (sic). Extraits :



"Séquestration des patrons : comment y faire face ?" (1)

"Xavier Tedeschi est dirigeant d'Horemis, une société d'accompagnement managérial, social et humain des mutations d'entreprise. Depuis vingt ans, il conseille les dirigeants de société pour les aider à gérer au mieux les projets de restructuration de leur entreprise." ("restructuration" qui va bien au-delà du remplacement du pot-à-crayons par des feutres lasers...)


"Soigner la communication

La formation dure une demi-journée. Il faut déjà sensibiliser les chefs d'entreprise à la communication d'annonce du projet de restructuration de la société. «Nous les préparons à avoir une communication pédagogique claire car une crise sociale part souvent d'une incompréhension entre le patron et les salariés», explique Xavier Tedeschi. En effet, le chef d'entreprise néglige parfois les premiers signes de tension et pour justifier son projet de redéploiement, il a souvent recours à une raison extérieure, pas toujours justifiée dans leur cas - ‘ce n'est pas ma faute, c'est la conjoncture économique' - ce qui exacerbe davantage les rancoeurs des salariés. Les dirigeants doivent ainsi impérativement apprendre à décrypter cette montée en puissance de la grogne pour réussir à désamorcer le conflit.

Être préparé psychologiquement

«Nous ajustons nos méthodes en fonction des membres de l'équipe dirigeante. Pour certains, nous mettrons davantage l'accent sur le soutien psychologique», précise Xavier Tedeschi. Car les séquestrations peuvent laisser des traces. Comme pour les quatre cadres de l'usine Caterpillar à Grenoble, retenus par des salariés pendant vingt-quatre heures. Ils ont été privés de téléphone fixe et de portable et ont été victimes d'intimidations. A la fin de la séquestration, les quatre dirigeants sont sortis sous les crachats et les huées. D'un point de vue psychologique, «c'est une situation d'une violence extrême», reconnaît Gilles Verrier, directeur d'Identité RH, une société de conseil en ressources humaines. «La séquestration est la réponse extrême des salariés face à leur désespoir. On sait quand cela commence mais on ne sait pas quand cette situation va prendre fin». Cependant toutes les séquestrations ne sont pas aussi radicales. Pour François Hallai, médiateur en charge de régler le conflit entre les salariés et la direction de l'Imprimerie Nationale, «cela s'est passé sans violence». «Nous avons continué à discuter et à négocier avec les salariés donc cela n'a duré que quelques heures». Mais même lorsque ces situations se produisent sans complication, un traumatisme peut toujours se produire. «Tout dépend si on est préparé ou pas à vivre ce genre de chose», poursuit François Hallai.

Avoir son kit de survie

Enfin, Horemis propose également à ses clients d'avoir toujours un «kit de survie» dans leur bureau. Il contiendra des effets personnels de rechange (chemise, cravate etc) et une trousse de toilette (rasoir, brosse à dent etc). Mais aussi «un deuxième téléphone portable avec un numéro masqué, dans lequel seront enregistrés des numéros utiles comme celui de la famille, de la préfecture ou de la gendarmerie afin de les avertir au plus vite de la situation», poursuit le dirigeant de la société de conseils. De quoi faire face au moins à une nuit de séquestration." (2)



Amis riches, tous à Varennes !

Remember juin 91 :


" L'Intendant de Tedeschi nous fait signe depuis la guerite. N'ayant point encore cédé à l'égarement des factieux, les laquais déposent à la hâte malles et Palm.

(...)

La nuit est difficile. Coups de pied dans les portes. Musique révolutionnaire. Rap." (3)






Il faut toujours un kit de survie pour un agréable retour aux Tuileries.










(1) : Militons pour la réintroduction des ponts-levis.

(2) : L'italique correspond à l'enclenchement de la fonction "vibrato".

(3) in "Le malaise des cadres de Scapa séquestrés dans l'Ain" daté du 9 avril, le Figaro.

jeudi 9 avril 2009

Nous cesserons ici toute collaboration.






Il manquait un accessoire au "violent". Depuis quelques jours, le catalogue "kit de la violence © 2009" s'enorgueillit de disposer d'un nouveau joujou : après la capuche, l'uniforme noir, la fronde et le marqueur, l'instrument plus puissant que la bombe H : la barre de fer. 


Ah, la "violence"... comme si une bouteille d'Evian délicatement placée entre l'agenda et le plume assurait la dimension fondamentalement pacifique et bienveillante d'une signature de contrat d'armement. Tant que c'est propre et qu'on se dit tout sur papier bristol à en-tête...

Un faire-part de licenciement avec la jolie signature du boss en dessous. Salutations distinguées, mes gueux. Ca, c'est pas violent, c'est une charmante attention. Un max de cellulose pour te dégager tranquille. 

Encore un cahier de doléances "pas content, pas content", un énième sitting et une distribution de fleurs en papier.



Ah, la défense ardue du monopole de la définition (et de la pratique) de la violence légitime... elle s'opère dans les discours des gardiens du statu quo, que ceux-ci se planquent dans les forums du Figaro, de Libé ou ailleurs. Ca s'emballe sec sur les parquets cirés.


Le rapport de force s'inverse (un peu) et les seigneurs ou seigneurs-wannabe hurlent au scandale. Quoi ? Les gueux pensent et s'organisent. Cachez l'argenterie, Marguerite. 

"Moraliser le capitalisme" : monsieur Guillotin nous propose un modèle de lame en or pur. Tranché, oui, mais avec classe ! 





En parlant des gardiens du statu quo, en voici un particulièrement intéressant, qui se trouve être interviewé par le révolutionnaire "Libération" : Olivier Labarre, "directeur général adjoint de BPI, cabinet conseil en management et en ressources humaines" (sic), un mec bien quoi, qui la joue explication de textes du phénomène de séquestration des bienfaiteurs de l'humanité caverneuse. Extraits (1) :



"C'est clairement l'expression du désespoir et de la colère...

Tout à fait, car ce ne sont pas les syndicats qui poussent à la séquestration. 
(Tu m'étonnes, les syndicats s'y connaissent mieux en pousse-au-crime dans un verre en plastique qu'en séquestration. La seule chose qu'ils retiennent contre son gré, c'est le C15 de Georges Marchais, entre Bastille et Nation, les jours de beau temps -fixe- 
Et, détail amusant ce "car ce ne sont pas..." au lieu d'un "et". Est-ce à dire que les syndicats ont pour fonction de contenir tout désespoir et toute colère...?)

Ce sont les salariés eux mêmes qui prennent la main. 
(good ! A la CGT et la CFDT:  la stratégie du bas de contention de la colère se barre en sucette)

Même si l'entreprise a toutes les raisons de licencier, et que c'est explicable didactiquement au personnel, il y a un moment où ce qui est justifié n'est plus acceptable selon le salarié, compte tenu du contexte actuel.
("toutes les raisons de licencier" / "explicable didactiquement" : ah, les délices de l'effort pé-da-go-gique dans l'entreprise...  Au passage, jolie tentative de mettre sur le même plan la "justification" et l' "acceptation".)

 Face aux grands groupes, le salarié cherche à prendre la main, en dehors de toute négociation syndicale.
(re- good ! La "main" du salarié -bis- Olivier Labarre l'appréhende)



Vous semblez inquiet?  (mais c'est que ça palpite dans le XVIème! Vite ! une verveine pour Olivier !)

Effectivement, car j'ai peur que cela devienne une habitude. Et c'est la pire des solutions.
(... pour qui, cher monsieur Labarre?)


C'est-à-dire?

Eh bien, la séquestration, c'est quand même la solution extrême. 
(kamoulox : vous avez Georges Besse en opposition)

Rien ne vaut le fait de parler, de négocier, de dialoguer. Mais dans ce genre de situation, on ne peut plus discuter. Moi, je conseille aux entreprises de toujours aller sur le terrain pour expliquer leur projet (de restructuration, ndlr). Il faut avoir le courage de le faire. Même au risque d'être séquestré."
(Chantons tous "s'il-vous-plaît" en choeur)

(...)

"Quelle lecture faut-il en avoir? (rien de mieux en effet qu'un énième "expert" en management et en ressources humaines pour "nous" dire ce qu'il "faut" penser de la lutte des classes; Libé, tu m'émeus.)

Ces actes sont dangereux. La preuve, la séquestration est considérée comme un délit. Il faut faire attention, car cela pourrait mal se terminer. Dans le cas de Caterpillar, un des directeurs a été évacué pour raisons de santé."


Avis donc à tous ces odieux personnages qui, de la barre de fer strasbourgeoise à la fermeture automatique des portes de Caterpillar terrorisent le citoyen honnête : pensez aux caisses de champ' lors de la prochaine occupation des bureaux du 4ème. 

L'hypoglycémie patronale fait rage.




samedi 4 avril 2009

L'Iran détiendrait la barre de fer

"Ils sont beaucoup plus organisés qu'il n'y paraît. Certains ont été filmés, mais ils sont cagoulés et, en plus, ils sont habillés d'une façon relativement uniforme. Ils ont des consignes pour refuser de témoigner et pour ne pas se rebeller", a souligné le vice-procureur Thierry Massa. (1)

"Ils seront jugés lundi pour port d'arme illicite, l'un ayant été trouvé porteur d'une barre de fer, l'autre d'une hachette." (2)






(1) et (2) : Ils sont très très méchants.




Photo : Thibautcho

vendredi 3 avril 2009

Monsieur Arcand



Hey monsieur,


Je cherchais aujourd'hui des nouvelles du département d'anthropologie de l'Université Laval. Celle qui m'a accueillie il y a 5 ans dans le cadre d'un "échange bilatéral" de deux sessions. Dans le "kit accueil des étudiants étrangers à Québec", j'avais feuilleté la section "anthropologie". Un peu au hasard, quoique. Bien que totalement ignarde en la matière, et associant à ce mot quelque chose proche de l' "os de mammouth dans la steppe sibérienne", je lisais : Anthropologie visuelle et anthropologie du langage par Bernard Arcand. Soudoyer une secrétaire du département pour un intitulé. J'abandonnai définitivement l'aridité de la science politique pour des mots.

Il me fallut un certain courage pour déguerpir de ma piaule de la rue Saint-Jean et humer les doux -30° pour assister au premier cours.

Vous parliez de Barthes d'un air amusé avec vos mots, choisis, mesurés, avec cette décontraction que les hautains de la sémiologie à la française ne connaîtront jamais. 

J'entendai pour la première fois les noms de Pierre Perrault, Michel Brault, Pierre Falardeau. J'entends encore le silence confus des étudiants autour de moi, quand vous êtes arrivé à dépluger le fil "du vidéo". C'était "Le Temps des bouffons", documentaire absolument prodigieux sur le Québec, l'indépendance, les luttes, l'obscénité intrinsèque du pouvoir, les maîtres et les esclaves. Une bonne baffe "dans ta face", intelligente et "solide". Merveille, merveille du silence qui a pris place alors, de ce silence que vous avez laissé prendre dans l'auditoire. Merci. 

Et puis "La lutte" de Jutra accompagné de Barthes, les signes, la poésie, la métaphore d'un pays qui n'en est pas. Pas encore. Et qui s'pitche end'dans.

Votre humour, subtil, et dévastateur. Je riais, votre intelligence amusée me rendait heureuse. Votre sourire et votre justesse. Puissiez-vous l'entendre. J'ai souvent songé à vous, quand rentrée de l'autre côté, je me fracassai le tête contre le mur des "professeurs d'université" dont la taille des chevilles était inversement proportionnel à la portion humanité. Ils en maîtrisaient le pluriel plus que le singulier. Je songeais plus d'une fois à vous, quand les professionnels du savoir encadré, froid, bien distant, glosaient sur la nécessaire introduction de la "transversalité" dans l'approche pédagogique de l'enseignant supérieur. Face aux dealers docteurs d'Etat en farces et attrapes, je ne pouvais que vous convoquer. Deux-trois "putain, bordel, quand je pense à Arcand". 

Selon la note de l'Université que j'ai lue ce matin, vous avez crissé votre camp le 30 janvier. Période glaciale, la pire à Québec. 

Deux-trois "putain, bordel" quand je pense à Arcand.

Merci infiniment.















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mercredi 1 avril 2009

Un visa/ Une viseuse







Près de la Porte Dorée, dans la charmante ville de Paris, s'est (presque) tenue lundi l'inauguration de la médiathèque de la "Cité nationale de l'histoire de l'immigration". Sardou aurait pu y jouer les MC en mixant entre deux cocktails "Au temps béni des colonies", tout en échangeant avec deux trois gardiens de musée un peu particuliers des miles Air France.

Besson-le-Fidèle et Toubon-revival-2009 auraient été "pris en otage" (1) par des visiteurs moins intéressés par les petits-fours que par la grossièreté des élus du peuple fiché.

On peut se demander à quoi doit ressembler la section "Et aujourd'hui" de la collection permanente. Une installation de pneus d'A340, une accumulation post-moderne de ceintures de sécurité, des cartes "Frequent travellers gold" pour les accompagnateurs de la reconduite spéciale... Tant d'humanisme fatigue.

Ah, roter du champagne en glosant sur la richesse de l'apport migratoire. Celui-là même qui goûte le sens de l'accueil à la française dans les bouches de métro, à coup de contrôle d'identité, qui respire l'esprit des Lumières dans les centres de rétention périphériques. Expirer à 10 000 pieds d'altitude pour permettre au gardien de la paix, R. toujours bon père de famille et fonctionnaire méritant, de parcourir la terre gratis.


Le caviar obstrue les voies aériennes.








(1) Au deuxième étage du musée, on nous informe qu' il y a une sous-section "flux migratoires, humour et vernissage".

jeudi 5 février 2009

Déclaration de ressources

" ... Es-tu bien sûr que ton papa et ta maman n'envisagent pas dans les trois mois à venir de s'acheter une Bentley avec leur RMI ?"










Ce matin, entre le bunker de Chérèque et une CAF parisienne.

mardi 3 février 2009

L'Appel du 3 février




Houilles, le 3 février 2009,



Compatriotes, compatriotes,



L'action gouvernementale est odieusement malmenée par une meute de grossiers personnages qui préfèrent à l'action constructive les quolibets fielleux et la calomnie. Ces comportements puérils doivent impérativement cesser.

C'est à nous, élite éclairée, d'apporter la bonne nouvelle à nos compatriotes. L'incompréhension est grande, notre mission pédagogique nécessaire. C'est pourquoi, nous nous engageons par la présente à mettre en oeuvre, dans une synergie avec tous les partenaires sociaux, un grand chantier d'explication de textes à travers le pays . La Nation française doit comprendre dans son ensemble les mesures bienveillantes courageusement entreprises par notre gouvernement.

Amis pauvres, soyez solidaires. Avez-vous entendu ce matin sur les ondes de France Inter les voeux de notre ministre de la Relance, Patrick Devedjian ? "Soyons solidaires". Amis pauvres, vous qui conservez dans vos placards Conforama quantités et quantités de Bolino Leader Price, pensez à vos amis riches. Confectionnez avec vos petites mains des paniers en osier garnis de vos surplus spoliés aux Restaurants du Myocarde. Les riches aussi ont besoin d'attentions délicates. Aussi, et en vertu de la solidarité que ces temps de crise des assurances-vies exigent, nous vous invitons cordialement à léguer vos jambes de bois. On n'a pas idée de ce qu'une seule de ces prothèses d'un autre temps peut apporter de réconfort et de chaleur dans une cheminée à Gstaad.

Vous vivez grassement, les études sanitaires s'accordent sur ce point. Prenez exemple sur les riches, a-t-on déjà entr'aperçu dans un vaisselier serviettes en papier et frites à l'huile dans un confiturier ? C'est en favorisant une relance par l'offre et non par la demande que notre économie retrouvera ses lettres de noblesse. Tous les observateurs ont attiré notre attention sur ce fait : un RMI augmenté = produits taïwanais dans un F2 stockés. Aussi, nous vous encourageons vivement à renouveller vos services de réception auprès de la Manufacture de Sèvres - le travail du biscuit y est exceptionnel et les tarifs défient toute concurrence-. Il ne s'agit plus de niveller vers le bas et de réaliser ses achats de tentures chez Monsieur Meuble. Avez-vous déjà songé aux Gobelins ?

Les temps sont durs et l'heure n'est pas aux atermoiements émanant successivement de tous ceux protégés par la fonction publique, le RMI et les allocations chômage. Cessons de nous déchirer et de nous enliser dans de stériles et inefficaces débats idéologiques. L'heure est à la solidarité et au partage.

Pourquoi ne pas convertir votre prêt au taux exceptionnel de 20,3 % TEG en dons défiscalisés en faveur d'un riche ? Il en sera à jamais reconnaissant. Nous en voulons pour preuve cette initiative lancée en Mayenne par un riche qui a préféré conserver l'anonymat : les cellules mises à disposition par Martin Bouygues -appelons ainsi ce bienfaiteur- qui vous accueilleront 24 h/24 pour participer activement à l'effort national disposeront chacune d'une télévision et d'un magnétoscope VHS Pal-Secam. Vous pourrez ainsi visionner à l'envi le journal de 13 h de Jean-Pierre Pernaut.



Vivre chichement n'autorise en aucune façon l'antipatriotisme primaire.




Solidarité, écoute et tiendre compte.





Premiers signataires :

La Fondation Georges Beller est vivant, le Cercle Phil Barney et streptocoques, le Haut-Commissariat pour la VIème Marthe Mercadier, l'Association pour la réintroduction des ragondins dans les cantines scolaires, l'Amicale des constitutionnalistes de Bourg-la-Reine, le Club Démocratie et Laurent Petitguillaume, le Collectif Cathéters et Cotillons, le Rassemblement bec-de-lièvre et libertés publiques, l'Union pour la panthéonisation de Margie Sudre, l'Intersyndicale MC Hammer et 49-3 ...





La musique du meeting organisé pour présenter notre Appel, cet après-midi à Houilles.





Le spot de l'Appel, que vous pourrez entendre chez vous dès demain matin dans votre poste de radio, est disponible sur ce site.

lundi 2 février 2009

Votez Thaumaturge






"N'avez-vous pas entendu parler de cet insensé qui, ayant allumé une lanterne en plein midi, courait sur la place du marché en criant sans cesse : "Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu !" - Et comme se trouvaient précisément rassemblés là beaucoup de ceux qui ne croyaient pas en Dieu, il suscita une grande hilarité. L'a-t-on perdu ? dit l'un. S'est-il égaré comme un enfant ? dit un autre. Ou bien se cache-t-il quelque part ? A-t-il peur de nous ? S'est-il embarqué ? A-t-il émigré ? - ainsi criaient et riaient-ils tous à la fois. L'insensé se précipita au milieux d'eux et les perça de ses regards. "Où est Dieu ? cria-t-il, je vais vous le dire ! Nous l'avons tué - vous et moi ! Nous tous sommes ses meurtriers ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon tout entier ? Où roule-t-elle à présent ? Vers quoi nous porte son mouvement ? Loin de tous les soleils ? Ne sommes-nous pas précipités dans une chute continue ? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés ? Est-il encore un haut et un bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Ne sentons-nous pas le souffle du vide ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne fait-il pas nuit sans cesse et de plus en plus nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes dès le matin ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui ont enseveli Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la putréfaction divine ? - les dieux aussi se putréfient ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous, les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde avait possédé jusqu'alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux - qui essuiera ce sang de nos mains ? Quelle eau pourra jamais nous purifier ? Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne nous faut-il pas devenir nous-mêmes des dieux pour paraître dignes de cette action ? Il n'y jamais d'action plus grande - et quiconque naîtra après nous appartiendra, en vertu de cette action même, à une histoire supérieure à tout ce que fut jamais l'histoire jusqu'alors!" - Ici l'insensé se tut et considéra à nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient sans comprendre. Enfin il jeta sa lanterne au sol si bien qu'elle se brisa et s'éteignit. "J'arrive trop tôt, dit-il ensuite, mon temps n'est pas encore venu. Ce formidable événement est encore en marche et voyage - il n'est pas encore parvenu aux oreilles des hommes. Il faut du temps à la foudre et au tonnerre, il faut du temps à la lumière des astres, il faut du temps aux actions, après leur accomplissement pour être vus et entendus. Cet acte-là leur est encore plus lointain que les astres plus lointains - et pourtant ce sont eux qui l'ont accompli ! " On raconte encore que ce même jour l'insensé serait entré dans différentes églises où il aurait entonné son Requiem aeternam Deo. Jeté dehors et mis en demeure de s'expliquer, il n'aurait cessé de répondre : "Que sont donc ces églises, si elles ne sont les caveaux et les tombeaux de Dieu - ? "

Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir






Beaucoup commencent à rire. Le rire est devenu outrage; la nouvelle divinité qui a du crier en son temps "Dieu est mort, vive Dieu !" entend bien que certains entonnent, plus nombreux, un chant mortuaire. Les prélats en leurs temps hurlaient à l'hérésie ou au blasphème. Les nouveaux préposés aux clés du temple sussurent que ce n'est pas l'Eglise qui brûle mais simplement Dieu qui est un peu fatigué. Dieu lui-même connaîtrait une petite crise existentielle. Dieu descend et ça monte.

Joyeux temps où tout se fissure. Temps où la sociologie politique ose encore se demander pourquoi l'abstention est si forte et glose sur la désaffection des voies d'action politique formelles (et le regrette doucement). Où l'on confond (à dessein) la "dépolitisation" des individus et l'abandon des modes d'action politique institutionnels. Où est assimilée "démocratie" à "démocratie représentative" (1).

Au-delà de la crainte de douloureux retards dans les transports ferroviaires (on peut légitimement s'émouvoir sur les performances moindres du rail hexagonal en comparaison de taux records avant les années 50, notamment vers les crypto Clubs Med du Grand Est), ce qui est surtout au centre des attentions de "la place Beauvau" c'est la réception (favorable) d'un discours qui tendrait à disqualifier les modes d'action politique traditionnels. Sa résonnance parmi certains qui pourraient avoir tendance à répéter de plus en plus en eux-mêmes et dans la rue le mot imposture. A un rythme régulier, espacé dans le temps, ils allaient allumer un cierge à contre-coeur. Craquer des allumettes pour si peu, voici un rituel dont certains pourraient bien commencer à vouloir se passer.

Si l'indécence avait su par le passé se fondre tranquillement dans un esprit gentillement franchouillard (cf. les discours où même les anti droitiers commencent presque à regretter le côté bon vivant d'un Chirac. Les frais de bouche se trouvaient quasiment annulés voire asbsous pour cause de penchants zoophiles avérés chaque année au Salon de l'Agriculture... on ne peut en vouloir tout à fait à un admirateur de toutes celles qui regardent passer les trains...)



L'indécence est affichée, elle se voit et Nicolas n'a même pas le goût du pis... Si une certaine ambiguïté pouvait exister sous Mitterrand et Chirac, les mesures manifestement minables de l'Agité-en-chef, "phénoménales" dans le sens où elles apparaissent clairement à nos regards viennent peut-être heurter un certain imaginaire collectif, empreint du glorieux souvenir de nos meilleures années. Nicolas Sarkozy a voulu faire sien le "combat " contre la maladie d'Alzheimer (2). Par-delà l'instrumentalisation traditionnelle de l'affect à des buts électoraux, ce qui vient s'entrechoquer à des représentations communes, c'est l'oubli ou plus précisément la négation, la dénégation, la révision et la réécriture du passé par le Monarque de droit pratique : "rôle positif de la colonisation", ordonnance de 1945 sabrée, politique d'immigration, remise en cause de la loi 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat par la promotion d'une "laïcité positive", actualisation du délicieux triptyque des années 40 :

Travail : remise en cause des 35 h, instauration du RSA, systématisation et densification des contrôles des chômeurs, révision (vers le néant) du code du Travail, remise en cause du droit de grève par l'instauration du "service minimum" ...

Famille : discours de culpabilisation des parents des classes populaires (accompagné de sanctions pénales), nomination au gouvernement d'une grande amie de l'Opus Dei, Christine Boutin, réduction de 20 % des budgets alloués au Planning familial (3) ...

Patrie: création du ministère de l'immigration et de l'identité nationale, offense au drapeau (4), réédition de la thématique de l' "Union sacrée" (grévistes irresponsables, anti-patriotes...) ...

Nous en sommes là : criminalisation de la contestation politique informelle (déplacement de la notion de terrorisme d'Etat vers celle plus utile où tout individu - susceptible de dire un peu trop fort et un peu trop loin des ONG, syndicats et partis leurs sérieux doutes quant à la légitimité des politiques de contrôle social mises en oeuvre- est coupable) systématisation du fichage (prélèvement ADN, biométrie...), suppression des juges d'instruction, lois Perben II, renforcement du contrôle de l'audiovisuel public; privatisation des services publics, politique fiscale en faveur des plus riches, "politique de relance" pour les banques, diminution des crédits à la culture... Nous sommes tous des déviants potentiels qui n'avons décidemment rien compris aux réformes.


Alors évidemment, quand on se hasarde à asservir toujours plus les laquais, et qu'on commence à comprendre que ceux-ci pourraient éventuellement avoir envie d'envoyer valser les seigneurs, on renforce de façon concomittante le pouvoir de coercition de l'Etat. Explosion du nombre de garde à vue, déploiement militaire lors de manifestations... Et l'on aura dans le même temps jamais autant fait l'apologie de la liberté individuelle (éloge du petit entrepreneur qui veut s'en sortir) évidemment. Des discours creux pour des cellules pleines. (5)

La scénographie du pouvoir de coercition sur les corps par l'Etat, lors de manifestations notamment, semble créer un effet inattendu : au lieu de signifier à la populace l'emprise et la capacité de neutralisation sur des "fauteurs de trouble" (toujours encapuchonnés et violents) - et donc d'asseoir son autorité , cette mise en scène (non dépourvue d'effets bien réels - arrestations massives, constitution de fiches de renseignements, etc...) devient un pré-requis empirique à l'élaboration de ce que l'on pourrait appeler une réflexion philosophique et politique chez des personnes qui pouvaient croire jusqu'alors en le bien-fondé de l'appareil répressif. En d'autres termes, la violence d'Etat, la violence structurelle s'incarnent. Elles se détachent de la sphère du concept, elles prennent corps. Elles se voient, elles s'entendent, elles se vivent. C'est à ce moment précis que peuvent se renverser les croyances en la légitimité de la puissance répressive de l'Etat et se révéler son essence même. Pas besoin de lire Weber pour saisir la violence d'Etat, il suffit de se promener un samedi après-midi métro Barbès et voir 200 personnes se faire encercler en moins de deux minutes par des flics surarmés agitant avec plus d'aisance la lacrymo que le lobe supérieur gauche. L'expression de voix dissonantes ? Oui, mais au commissariat et sous bonne escorte.





Ceux qui disposent d'un fauteuil attitré à l'Assemblée ne se déchirent devant les objectifs pas tant pour de supposées visions du monde antithétiques que pour la conservation de ce privilège rembourré. Que l'on soit assis à droite ou à gauche du demi-cercle, on est toujours assis dans le même lieu. Les mots sont les mêmes, on joue à se faire mal. Quand vient le temps du "renouvellement" des strapontins permanents, "on" se félicite d'un bord et de l'autre de la table du studio télé du taux de participation aux élections. "Ah, quelle vitalité démocratique ! " (comprendre "ils y croient encore !") relayé par l'art thuriféraire des journalistes.

Et certains continuent à clamer : "Organisons-nous, nous élirons mardi soir un chef, des sous-chefs, des responsables pour organiser l'élection et nous nommerons des rédacteurs pour dire tout le mal que nous pensons des dirigeants." La création du NPA est à ce titre une petite merveille : participant pleinement de l'intégration des "marges", il pense que le changement profond et durable procèdera d'un mimétisme organisationnel. Il fait sien le discours normatif de la "crédibilité". Expertise, délégation des pouvoirs, hiérarchisation, pas de doute, la création d'un parti d' "extrême-gauche" procède bien d'une "réappropriation" : celle des structures langagières et structurelles propres aux institutions garantes de nos libertés, yes. Applause.



" L'État est une entreprise politique à caractère institutionnel dont la direction administrative revendique avec succès dans l'application de ses réglements le monopole de la violence physique légitime sur un territoire donné." Max Weber.

La légitimité explose, le succès de la revendication s'effrite, le sujet de la proposition peut devenir compost.






Fini le temps des cahiers de doléances.

De la pé-da-go-gie.

Barbès n'est pas très loin de la Nouvelle-Athènes.








(1) A ce sujet, il est presque désolant d'assister dans les discours des "représentants du peuple" à l'abandon du concept de "démocratie de marché". Cette alliance douteuse d'une notion politique et d'un mode de régulation économique (le capitalisme en l'occurence qui s'installe sur la Place rouge) avait au moins le mérite de préciser l'essence même du dévoiement d'une démocratie authentique par sa représentation discursive. Le peuple doucement squizzé, la démocratie par et pour le marché.

(2) Pas totalement à la ramasse sur ce coup-là puisque faire le tour des hospices de France rapporte pas mal : aimer les vieux, c'est bien : les vieux aiment qu'on s'intéresse aux vieux. Et si les vieux se sont reproduits, la descendance pourrait être sensible à cet intérêt soudain pour les grabataires et leurs familles pourvues d'un bulletin de vote. Touchez mon écrouelle Monseigneur. Votez Thaumaturge.
www.liberation.fr/societe/010116961-alzheimer-sarkozy-veut-un-plan-pour-le-1er-novembre


(3) Il faut être absolument moderne, militons pour la réintroduction des aiguilles à tricoter : www.lemonde.fr/societe/article/2009/01/27/le-planning-familial-proteste-contre-la-reduction-des-credits-de-l-etat_1147074_3224.html



(4) " Le 24 janvier 2003, l'ensemble des députés a adopté, dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi) proposée par Nicolas Sarkozy un amendement créant le délit d'«outrage » au drapeau français et à l'hymne national, La Marseillaise. Délit sanctionné par un emprisonnement de 6 mois et 7 500 euros d'amende." Source : Wikipédia.


(5) Nicolas devrait pourtant savoir qu'en embastillant trop et en réhabilitant à sa manière l'Ancien Régime, on peut perdre ses esprits. Vite, une cure de phosphore pour le Roi ! La prise en charge du président sera exceptionnelle (d'ici là, et afin d'améliorer les capacités cognitives et "mémorielles" du Saint-Homme, l'opération "Une lamproie pour Nicolas" est lancée).