mardi 26 janvier 2010

Tribunal des flagrants délires - Jour 2 Procès CRA Vincennes



Shakespeare, Dante, on pense à beaucoup d'auteurs quand on est dans un tribunal. La journée commence bien.

12h30, déjà quelques personnes qui attendent devant le portique de la 31ème chambre. On aperçoit quelques gendarmes qui prennent place dans le grand hall. On dirait des parachutistes avec leur sac à dos camouflage, la distribution de chocolat en moins. Pendant ce temps déboulent du long couloir qui mène au grand hall six personnes, dont deux semblent traîner le matériel d'un démineur ou d'un plombier. Elles se plantent en bas du grand escalier. Nos regards sur plantent sur elles. En demi-cercle et très concentrées visiblement, elles observent quelque chose sur une des marches. C'est "la leçon d'anatomie" au palais de justice. Et, au lieu d'un macchabée et de ses viscères, on découvre derrière les pieds de l'arc de cercle une seule inscription. Rembrandt peignait les collerettes, d'autres ont écrit au pied de l'escalier d'un palais de justice "feu aux prisons". Quelques personnes devant le portique se marrent franchement en comprenant que les six personnes se penchent en fait sur un tag. Elles sont dépêchées par le tribunal pour constater les "dégradations". Trois photographes arrivent avec un matos digne du téléscope du Pic du Midi. Ca mitraille au flash le petit "feu aux prisons" en bas de l'escalier. Le travail de collecte de données terminé, un gars aussi sérieux que les collègues qui l'ont précédé, prend quelques notes dans un cahier futuriste. Je brûle d'y lire ses "observations". "Dégradations de type 4. Stop. Inscription manuelle. Stop. Modus operandi inconnu de nos services. Stop".... La journée commence bien.

D'autres gendarmes arrivent, plus nombreux que la veille à la même heure. Des gens qui vont peut-être assister à une audience trimballent des couffins avec eux dans l'escalier. La session "découverte de la justice" de la veille a abaissé la moyenne d'âge du public. Les avocats enfilent leur robe dans le hall. Moins de monde qu'hier. On doit être une cinquantaine (1). Les caméras débarquent et s'installent près du portique. Elles s'allument quand arrive l'un des prévenus. Les gendarmes laissent entrer le public. Flash d'appareil photo, lumière des caméras et fouille des sacs. Aujourd'hui, on doit être une trentaine à l'intérieur. Salle d'audience aux murs jaunis, banquettes en skaï marronasse. A l'avant-gauche, sous l'horloge flanquée d'un "lex" en bas-relief, le box des accusés. Deux gendarmes pour un accusé à l'intérieur. A l'avant-droite, le box des journalistes (2). Un des gendarmes dans la salle nous demande de nous lever. Arrivée de la cour.

La présidente annonce que la demande de renvoi de l'avocate de l'un des accusés est rejetée. En gros, la "suspicion de non-impartialité" n'a pas été retenue (3). L'affaire du CRA est une "affaire distincte" (sic), la composition du siège n'a pas à être changée. La présidente évoque un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme en matière d'impartialité. L'avocate présente -en mentionnant qu'il s'agit d'une "première" pour elle- une demande de récusation, selon l'article 668, devant la première présidente de la cour d'appel. L'audience est suspendue. Au bout de cinq minutes, on est déjà dehors. Ou plus précisément, hors de la salle d'audience.

Même dispositif que la veille : les gendarmes bloquent toutes les sorties, sauf celle menant sur le trottoir du quai des orfèvres. Le temps d'aller me chercher un café, une cinquantaine de personnes est encerclée dans le grand hall par les gendarmes. Visiblement, les deux minutes de chant "liberté pour les sans-papiers" entonné par les gens sont un désordre caractérisé pour les gendarmes. Ils poussent le groupe vers la sortie; un monsieur se fait sortir, les gendarmes se font un plaisir de le foutre à terre, puis le refourgue sur le trottoir. Irène Terrel, l'une des avocates, qui était dans le grand hall à ce moment là, demande des explications à l'un des gendarmes. S'ensuit une réponse aussi mesurée que la scène du tag dans l'escalier. Si les gens ont été très gentiment repoussés vers la sortie, c'est parce "il y avait des gens qui avaient des comportements provoquants" (sic). Quelqu'un précise que la "provocation" réside peut-être dans la présence de flics en surnombre. Les journalistes se contenteront d'une "atmosphère électrique". Moi je pense surtout à Ionesco.










(1) A propos du nombre de personnes présentes dans le public, j'ai beaucoup ri hier en lisant l'estimation d'un journaliste -de je ne sais plus quel journal d'ailleurs-. Selon lui, nous étions 50 ...

(2) Deux pour un bon "papier"?

(3) Rappel des faits : l'avocate de l'un des accusés avait invoqué la veille la "suspicion de non-impartialité" à l'encontre de la présidente qui, en 2005, avait jugé l'accusé dans une autre affaire.

NB : visiblement, une personne a été arrêtée cet après-midi, après l'audience.

Aucun commentaire: