lundi 25 janvier 2010

Tribunal des flagrants délires - Jour 1 Procès CRA Vincennes






Le jugement de ceux que l'on appelle les "inculpés de Vincennes" a commencé aujourd'hui au Tribunal de Grande Instance de Paris. Ils sont dix à être accusés d'avoir incendié le centre de rétention administrative de Vincennes en juin 2008 alors qu'ils y étaient retenus (1) et comparaissent pendant trois jours devant la 31ème chambre du TGI de l'Ile de la Cité.


Le tribunal, la justice, les grandes colonnes néo-antiques et ses flics qui t'accueillent dès la sortie du métro Cité, en armure près du marché aux fleurs. Arrivée devant le Palais de Justice. Entrée "public". Personne au premier contrôle, il est 12h (2). On fait passer ton sac, ton manteau et tes pièces jaunes sous un scanner et toi sous un portique, le tout sous la supervision des gendarmes. Ici, tout passe sous rayon X. La Justice est tellement juste qu'elle craint néanmoins pour sa santé. Après l'accueil des gendarmes, tu accèdes à la Cour de la Sainte Chapelle. Jolie cohabitation de deux inventions ancestrales : à votre droite, Dieu est mort mais sa maison est toujours debout, à votre gauche, le Palais se porte bien et la Justice ... on notera le bel effort de conservation des deux édifices.

Au milieu, c'est festival des costumes : les avocats dans leurs belles robes, les gendarmes (c'est un accueil permanent avec eux) en armes, les journalistes et leur éthique, et puis le reste qui, comment dire? attend ? Tout paraît disons à peu près vraisemblable, et c'est comme il vous plaira :

"All the world's a stage
And all the men and women merely players :
They have their exits and their entrances (...)" (3)

Je cite Shakespeare, mais Dante passe aussi.

Direction la 31ème chambre. Au départ, les audience étaient prévues dans la 16ème mais visiblement on attend du monde au "palais". Encore des gendarmes. L'espèce de grand hall avec verrières qui sert d'antichambre aux correctionnelles et aux assises ressemble à la gare centrale de Bruxelles. Avec un peu plus de gendarmes.

13h

Le public arrive. Ca se masse devant le portique (et un peu plus de gendarmes) de la 31ème chambre. Deux cents personnes peut-être, pas mal de soutiens, plus les caméras et leur éthique sur "play" essayant de saisir un oeil derrière les cagoules des inculpés qui arrivent. Une quinzaine de personnes du public arrivent à entrer dans la salle d'audience. Pour le reste qui attend, une voix (?) : "sont rentrés les avocats, les journalistes et les invités (sic)". Je cherche toujours le sens du dernier mot en droit français, sans succès. Il s'agit d'une erreur, pour les plus optimistes.

Première suspension de l'audience. On apprend qu'un des inculpés s'est fait arrêter ce matin dans Paris après un contrôle d'identité. On l'attend. L'audience doit reprendre à 15H30.

Même valse des avocats, des caméras et des gendarmes qui resserrent les rangs. Une avocate traîne des gosses pour ce que j'imagine être une séance de "découverte" de la justice. Je me demande si quelqu'un a songé à leur dire que le Père Noël, aussi, n'existait pas. Pas trop de déconvenues en une seule journée.

Reprise de l'audience.

Le gendarme au portique ne laisse passer personne. La "publicité" des débats commence à devenir une notion assez floue et des "pas de justice à huis clos" commencent à résonner dans le grand hall. Visiblement, ça plaît beaucoup aux gendarmes qui appellent des collègues. Une armée de mélomanes certainement. Ils bloquent une partie du hall.

Les pas que l'on aperçoit à travers la verrière au plafond sont peut-être assez signifiants de ce qui se joue plus bas. On nous marche littéralement dessus. Certains pourraient y voir de la transparence, moi j'y vois en ce moment de l'écrasement.

Sortie des avocats. Suspension d'audience jusqu'à demain pour "suspicion de non-impartialité".

La ligne des gendarmes se resserre. On est de fait bloqués côté sortie quai des Orfèvres. Evidemment, d'autres gendarmes bloquent l'accès au trottoir dudit quai. Pour dire les choses autrement, on ne peut pas sortir du palais de justice. Les gendarmes ont l'air tout à fait satisfait de la situation.

Au bout de vingt minutes, on est dehors, le long du quai des orfèvres ...


"And then the justice,
In fair round belly with good capon lined,
With eyes severe and beard of formal cut,
Full of wise saws and modern instances;
And so he plays his part." (4)



... Demain, il y aura aussi quelque chose de pourri dans le royaume. Voire un peu plus.












(1) Pour le rappel des faits, un petit détour par Démosphère.

(2) Chose assez rare, car généralement une heure après, soit vers 13h, la file d'attente est tellement importante que tu te retrouves sur le trottoir, boulevard du Palais, sous les regards curieux des touristes qui se demandent peut-être si Notre-Dame ne s'est pas téléportée.

(3) "Le monde entier est un théâtre
Et tous, hommes et femmes, n'en sont que les acteurs
Chacun fait ses entrées, chacun fait ses sorties (...)"
Comme il vous plaira, Acte II, scène 7

(4)"Après lui, c'est le juge
Au ventre arrondi, garni d'un bon chapon
L'oeil sévère, la barbe taillée d'une forme grave ;
Il abonde en vieilles sentences, en maximes vulgaires ;
Et c'est ainsi qu'il joue son rôle "
Comme il vous plaira, Acte II, scène 7



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