dimanche 24 janvier 2010





La misère humaine, en France, on l'aime, on la chérit, on l'embrasse en caméra DV quand elle est loin, très loin, ou quand on choisit de la mettre en scène dans un Terminal de Roissy, à la manière de Carla B. qui fait des bisous dans le cou et des vocalises à l'arrivée de 30 gamins adoptés. Haïti, c'est bien ; la tectonique des plaques a peut-être détruit des palais et des bouibouis, elle a surtout offert à toutes les crapules au nord de l'Equateur une merveilleuse occasion de rééditer en mode sympa le "fardeau de l'Homme blanc". Les "élans de solidarité", on aime. On a eu du coeur, nous. Populations échouées dans les failles de la route ainsi découverte et de l'Histoire, la France vous tend les bras (et les linceuls) !

Le discours médiatique a un peu perdu de son lyrisme quand il s'est agi de parler des "pillages" auxquels se livrait la population. Eh la population meurtrie ! C'est pas parce qu'y a plus rien qu'on a droit de voler des canettes d'eau croupie dans les magasins ! Aucune dignité chez les miséreux. Ton pincé des journalistes pour évoquer les "scènes de pillage" auxquelles ils avaient assisté et qu'ils se faisaient un plaisir contrit de raconter depuis les "jardins de l'Ambassade de France" (sic).

Pendant que les cargos d'aide "humanitaire" arrivent dans le reste de port de Port-au-Prince, la France découvre sur une plage corse une centaine de migrants. En moins de 24 heures, les "élans de solidarité"deviennent dans le cas français au mieux une erreur de traduction (des cervidés qui accueilleraient des castors, peut-être), au pire une posture éthique pas franchement inconditionnelle. France Info livre la version du préfet, quelques mots à peine à propos des "associations qui aident les clandestins"(sic), elles qui se demandent s'il est bien légal de foutre en taule illico des gens qui a priori ne font pas escale sur leur yacht mouillant d' habitude à Portofino. Je dis "en taule" et pas en "centre de rétention administratif" because l'appellation officielle fait passer pour une quelconque salle d'attente ce qui de fait constitue une prison (1). Tous les "clandestins" (sic) ont été foutus en taule en moins de 24 heures car, selon le préfet de Corse-du-Sud Stéphane Bouillon, l'accueil dans un gymnase n'était pas convenable (2). Evidemment, un "accueil" dans une taule est un accueil ad hoc. Plus "humain" certainement pour "accueillir des familles avec des enfants".

On apprend donc qu'en France, la place des gosses est en taule et pas au gymnase. Attends, ces petits cons seraient capables de nous niquer les paniers de basket. "Ils se disent Kurdes" (sic), en plus.

"Leurs vêtements étaient propres, certains hommes étaient rasés, les enfants éveillés, peu choqués riaient et jouaient entre eux." selon Corse-Matin. Putain, le miséreux est propre, non, c'est vraiment trop bizarre, c'est des faux, des sociétaires du Français qui s'la jouent boat people. Les gosses rient, dans un gymnase ? Eh les gniards, la République va vous faire passer l'envie de rigoler. Et pour les parents qui auraient l'indécence d'accorder un sens au mot "dignité" en se coupant les tifs, on vous promet les poux au CRA.


C'est pas tout ça, allez, la République se redore le blason et le compte en banque à distance (c'est pas tout de soulever des poutrelles en paille dans les Caraïbes, faudra bientôt bétonner tout ça), garantit sur son sol dignité et solidarité en élans mesurés, et "take care of all of (its) children". Of course.









(1) A propos du choix des termes utilisés dans cette histoire, l'ami JBB a signé un excellent article sur Article XI. Où l'innocence des mots est aussi probable qu'un JBB sans rosé.

(2) "le gymnase n'est pas adapté pour recevoir et accueillir des familles avec des enfants"
dixit un gars qui doit malgré ça réussir à se regarder la trogne dans un miroir.

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