lundi 6 octobre 2008

Hortefeux-de-l'Amour



"Ils ont changé celle qui fait Victoria (...) et on ne voit plus Victor" (1)




Rentrée en France. Chacun a regagné son F3 double vitrage lave-vaisselle But après avoir délaissé dans la peine son F2 placoplâtre tout-à-l'égout d'un quelconque département frontiste (2). Il paraîtrait que c'est la crise et que les banques n'ont plus une thune. Les chantres du non-interventionnisme étatique ont revu leurs principes à la baisse et ont quémandé deux trois kopeks au petit argentier qui a dû faire fondre pour l'occasion sa collec' perso de montres bracelets platine. Le financier est un cake.



Dans cette époque où le médiocre est élevé au rang de performance sublime, on peut encore se hasarder les oreilles devant un poste de radio qui s'autorise la retransmission d'un bulletin de nouvelles matinal france-informatif.

Bien que l'idée d'y trouver une once d'esprit critique et de "reportage de fond" soit aussi probable que l'attribution du Prix Nobel de littérature à Danièle Evenou, on peut sous-tirer quelque plaisir malsain dans l'écoute attentive de sujets aussi douloureux et testimoniaux que le "débat" (sic) sur "la nouvelle formule du loto" ou "les vingt ans des Feux de l'amour" (sic once again).

Oui, oui après s'être tapée une école de "journalisme" "prestigieuse" et un emprunt sur 5 ans pour financer cette farce-carnet d'adresses, Raphaëlle Duchemin choisit d'introduire le "débat" sur boulingue- boulingue à coup de : "Jouer plus pour gagner plus? (...) Il y a une nouvelle grille, de nouvelles couleurs..." (sic)
Une école de journalisme et on finit par commenter les affres de la boule noire à Motus. J'ai longtemps cherché à quoi pouvait servir un journaliste, à part bien sûr reproduire à l'infini le discours dominant, et j'en suis arrivée à la conclusion qu'il y a dans ce travail de communicant quelque chose de l'ordre du SAV des constructeurs, à l'écoute des requêtes des gentils- consommateurs-rois-qui-ont-le-droit-à-la-transparence (3) . C'est la publicité et la hotline dans un studio d'enregistrement du XVIème. Raph' a annoncé pompeusement que le billet de loto allait passer d' 1 euro 20 à 2 euros pour demander tel un Jean-Pierre Pernaut ou un Julien Courbet sous acides si c'était de " l'arnaque". (4)

Ont été convoqués pour participer à ce troublant débat l'auteur d'un bouquin sur la Française des Jeux et un sociologue qui a dû faire sa thèse sur l'impact socio-environnemental du rami, de la belote et du Nain Jaune en milieu périurbain. (5) Selon ce dernier, et suite à la question de Mam' Duch'min sur "ce qui fait que les Français ont une passion pour les jeux", "le" Français est "un Homo Ludens" qui a donc une "volonté de loisirs" et qui veut vivre "une petite aventure personnelle pour quelques euros" (sic). (6) Le docteur ès 1000 bornes poursuit son analyse sous LSD: le loto, c'est un peu un "miracle laïque (...) un peu de rêve (...) une prière qu'on adresse à la Providence." (sic)

Le genre de types qui soutient entre deux chivas que si les pauvres ne mangent pas de caviar, c'est parce qu'ils aiment pas ça, les cons.

Dans cette sombre bouillasse socio-pernauisée, l'auteur du bouquin sur la Française des Jeux se hasarde dans un élan de lucidité à lancer que les Français qui jouent le plus au Loto sont les pauvres. En fait. Enfin il ne dit pas "les pauvres" mais "les Français les plus pauvres". Le sociotruc aime pas trop et indique qu'il y aussi une grande part d' "employés" (qu'il ne considère pas comme membres de la communauté des "plus pauvres" donc.)

Le loto, c'est pas de la misère dans des cases, c'est du "rêve", une (petite) expérience ontologique toute mignonne qui trouve sa matérialisation dans de "nouvelles couleurs" chamarées. Glam. (7)




Quand on est dans de telles dispositions critiques et intellectualisantes, il serait dommage de s'arrêter en si bon (du)chemin et de ne pas poursuivre la "réflexion" (de la vacuité dans un miroir) dans un reportage hautement dérangeant.

Chauffée à blanc après l'animation du "débat" sur la quine magique, Raphaëlle Duchemin-Vers Le Néant prend des risques et annonce l'anniversaire d'un programme télévisé qui a fait la grandeur de notre beau pays. Celui qui serait tenté de croire qu'il s'agit d'une rétrospective sur les émissions de Polac ou " de tout autre chose qu'on pourrait soupçonner d'intelligence" (le grand Desproges dixit) peut s'administrer deux cuillères à soupe de cortisone et avaler dix litres de merlot. Non, l'émission qui fête ses vingt ans d'existence et qui occupe une équipe de France Info un matin d'octobre, c'est les gros plans sur des cataractes bleutées, des épaulettes en mousse qu'on fait claquer dans le vent, les Feux de l'Amour sur France Info. Yes my dear, you don't dream.


"Si vous appelez votre mère ou votre grand-mère sur les coups de 14h..." , Raph' dixit, paraîtrait qu'elle a activé son monte-escalier d'occasion pour s'affaler dans son fauteuil en nubuck avec télécommande intégrée pour s'envoyer un rail de feux... Raphaëlle Duchemin cartonne dans l'intro, elle taquine tes penchants anti-vieux, te rappelle tes appels las à la maison de retraite de mamie "sur les coups de 14h". Raphaëlle a appris dans son TD "journalisme de proximité" qu'il fallait créer une sorte de petit clin d'oeil facétieux entre l'auditeur et le reporter envoyé à la maison de retraite Les Iris pour rencontrer le target public de ce genre de mélasse épisodique.

Focus sur de la croûte en collectivité forcée qui s'égare la presbytie sur des Ricains en mode "ralenti". Après son très probable flan aux oeufs sur déambulateur, "une pensionnaire" avoue que les Feux de l'Amour, "ça (la) détend". Bon. J'attends la contre-expertise avec la Croisière s'amuse.





J'imagine que c'est par manque de temps et de moyens que, quelques minutes après, le sujet consacré à la mobilisation des ouvriers de Renault à Sandouville a été expédié en 15 secondes. La prochaine fois, bande de nases, au lieu de nous les casser sec avec vos pseudo problèmes de conditions de travail, réclamez le micro pour nous parler des vrais problèmes, des vrais sujets. Radio publique recherche vieilles qui jouent au Bingo tout en regardant les Feux de l'amour.




Notre grande aventure collective pour des milliards d'euros.






(1) Une pensionnaire édentée d'une maison de retraite, interviewée entre deux verveines par France Info ce matin dans un reportage de fond sur "Les feux de l'amour" -et le journalisme d'investigation.

(2) Oui, monsieur Durand, faites confiance à Catherine Mamet, le constructeur immobilier qui te garantit et le gros bourdon multicolore à côté de la porte d'entrée modèle terre cuite de Provence près de ton mas de 56 mètres carrés loi Carrez et le prêt ad hoc sur vingt ans à 20,3 % TEG.

(3) ... neuronale certainement.

(4) En parlant des interrogations multiples relatives aux impostures diverses, on se prend à rêver du jour où la Robin des Bois des joueurs de bingo se demandera en quoi son propre sujet participe de cette fameuse "arnaque".

(5) Selon des sources proches du dossier, le chapitre sur les Petits Chevaux a été censuré.

(6) Je demeurerai toujours plus proche de la Weltanschauung du bigleux chantant que de celle des "chercheurs" du CR - 152X quelque chose :"les pauvres quand ils jouent au loto, ils réfléchissent même pas à ce qu'ils cochent" Didier Super.

(7) On notera la fascination du communicant france-informatif pour les pots de peinture et les palettes graphiques qui rendent la moindre merde très attrayante et intrinsèquement légitime. "Je me souviens" d'un reportage de France Info sur un centre d'éducation fermé (joli concept au passage) dans lequel la journaliste précisait en extase que les murs de cette prison-qui-n'en-est-pas-une-bien-sûr avaient été "repeints en jaune" (sic). Délices du gros feutre esthétisant.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

BON DEPART